Arcachon : la valorisation des déchets coquilliers est à l'étude

Le 15/10/2018 à 16:49  

Arcachon : la valorisation des déchets coquilliers est à l'étude

Coquilles d'huitres La filiale du groupe Elcimaï Girus GE s'est vue confier récemment la réalisation d'une étude qui sera consacrée à la valorisation des déchets coquilliers du Bassin d’Arcachon, où l’ostréiculture occupe une place de choix dans l'économie locale ; à la clé, environ 5 000 tonnes annuelles de déchets coquilliers, ce tonnage devant, selon les projections réalisées, doubler ou presque au cours de ces prochaines années. D'où la volonté des acteurs locaux de se pencher sur le sujet afin de valider le bien fondé de la mise en œuvre d'une filière spécifique ... Aucune raison pour que le projet n'aboutisse pas : d'autres initiatives en Vendée, Charente Maritime et dans le Morbihan ont donné de bons résultats et de belles perspectives.

 L'une des activités économiques majeures du Bassin d’Arcachon est sans conteste l’ostréiculture, laquelle ne va pas sans production de déchets coquilliers, dont les tonnages actuels sont conséquents (plus ou moins 5000 tonnes par an) et dont tout laisse à penser qu'ils pourraient doubler au cours de ces prochaines années, tant la demande pour ces produits de la mer est forteet au regard des opérations à venir s'agissant de la réhabilitation des anciens parcs ostréicoles planifiées par le CRCAA (lesquelles sont conformes aux objectifs du Parc Naturel Marin du Bassin d'Arcachon).

Dans ce contexte, le CRCAA, Comité Régional de la Conchyliculture Arcachon Aquitaine qui organise un système collectif de collecte et de valorisation des déchets coquilliers ostréicoles, accompagné en cela par la Communauté d’Agglomération du Bassin d’Arcachon Sud (Covas), qui dispose de la compétence en matière de développement économique, de collecte et de traitement des déchets ménagers & assimilés, ont décidé de travailler de concert en unissant leurs moyens et rôles d’accompagnement des acteurs économiques du territoire, pour mettre en œuvre des travaux, confiés à Girus GE, visant à étudier la faisabilité mais aussi la pérennité d'une filière locale, autonome et durable, qui serait en charge de la valorisation de ces déchets coquilliers, qui résultent aussi bien de la dégustation que des pertes d’exploitation, de l’entretien des parcs (déjà à terre) ou des opérations de réhabilitation des anciens parcs (en mer).

« Nous avons réalisé une analyse technico-économique de l’ensemble de la filière, depuis la collecte des déchets coquilliers jusqu’à la valorisation finale du produit après traitement », a confirmé Olivier Perrin, chargé d’affaires chez Girus GE, Coordinateur des activités portuaires, maritimes et fluviales. D'ores et déjà, des essais de lavage, de séchage et de broyage de ces déchets ont été menés : ils ont permis de valider la faisabilité technique d’une valorisation de ces produits dans des filières industrielles (telles que BTP, peinture et plasturgie notamment), en plus des classiques filières agricoles puisque les coquilles peuvent être utilisées sous forme d'amendement calcique, par exemple.
Le process devra intégrer le séchage des coquilles (avec éventuellement la récupération de la chaleur produite par un autre process industriel) et le broyage des coquilles séchées à différentes granulométries. Ce pré-traitement permettrait ainsi de trouver de nouveaux débouchés qui viendraient compléter le système actuel de valorisation et pérenniser l’organisation de la filière de collecte et de traitement des déchets coquilliers, en tenant compte de l’augmentation à venir des tonnages de déchets à traiter. Une étude d’expérimentation sera lancée en 2019.

Nul doute que ces réflexions préalables (relevant du bon sens) déboucheront sur du concret. En effet, d'autres régions productrices de coquillages du même type sont parvenues à mettre sur pied des initiatives intéressantes dans ce domaine particulier. Ainsi, la Charente-Maritime, qui fait figure de pionnière, a initié, puis multiplié le nombre de points de collecte des coquilles d'huîtres et Saint-Jacques ; 13 tonnes avaient d'ailleurs été collectées entre mi-décembre 2015 et fin janvier 2016, histoire de lancer le mouvement, lors d'une vaste opération de sensibilisation des consommateurs de ces fruits de mer. Les déchetteries avaient été sollicitées par le Cyclad, le syndicat mixte local, compétent pour collecter les déchets dans le nord du département. Le succès a été au rendez-vous ; à telle enseigne que l'initiative s'est étendue : l'agglomération de La Rochelle et la communauté de communes de l'île d'Oléron ont suivi en installant des conteneurs dans leurs déchetteries respectives... Désormais, ce sont des dizaines de déchetteries qui acceptent ces coquilles qui sont valorisées et recyclées...
Elles sont en effet transférées à l'usine Ovive à Périgny (près de La Rochelle), l'une des rares unités françaises spécialisées dans ce domaine, travaillant principalement avec les professionnels (pertes des ostréiculteurs) : lavées, séchées, triées, concassées, broyées, cette entreprise les transforme en écailles de quelques millimètres à destination des poules pondeuses (ce calcium, complément alimentaire indispensable à la formation des œufs, sert de aux poules pondeuses), ou de 6 à 15 millimètres, pour les élevages d'autruches, ou de 6 à 30 mm qui sont utilisées sous forme de paillage par les paysagistes.
« Les coquilles sont introduites dans notre sécheur rotatif, qui leur fait subir un traitement thermique pendant une demi-heure à 125 ° pour les sécher, mais également ôter les bactéries et la vase collée dessus », développe le directeur du site, Jean-Luc Saunier. Le solde de cette production, poudres et poussières, trouve un débouché dans le secteur de l'agriculture.

En Vendée, le recyclage sous forme d'amendement agricole est désormais au programme des collectivités locales, de plus en plus nombreuses à se lancer dans la collecte sélective saisonnière de ces déchets de coquillages. Opération expérimentée il y a 5 ans, sur le territoire de la communauté de communes du pays des Herbiers, puis à l'échelle de l'intercommunalité du pays de Retz, les coquillages sont désormais récupérés par plus de cinq intercommunalités.
Organisées de manière ponctuelles (lors des pics de consommation), des bennes dédiées sont installées afin de capter l'essentiel du gisement qui sera ensuite transporté vers les ateliers de Bâti-recyclage (à La Ferrière) qui travaille via la R&D, à l'optimisation du recyclage de ces déchets (40 tonnes environ sur les 100 000 tonnes réceptionnées par l'entreprise, tous déchets confondus) qui pour l'heure subissent une phase d'hygiénisation avant d'être broyées à plusieurs reprises, en vue de l'obtention d'un produit suffisamment fin qui servira d'amendement dans les grandes cultures locales, en lieu et place de l'enfouissement : l'intérêt agronomique des coquilles tient dans leur teneur en calcaire et potassium... 

Le Morbihan n'est pas en reste : l'usine de Kervellerin à Cléguer, spécialisée depuis les années 60 dans les fertilisants naturels à base d'algues, est également utilisatrice de ce type de déchets ; broyées et réduites à l'état de poudre, les coquilles d'huîtres intègrent la composition de peintures utilisées pour les marquages au sol qui s'avèrent grâce à cette matière première recyclée, plus résistants, meilleurs antidérapants et plus réfléchissants... La gérante de la PME bretonne qui emploie une trentaine de collaborateurs, docteur en pharmacie de formation, a en effet mis au point un produit après trois ans de recherche ; elle a travaillé sur ce projet en partenariat avec la CCI du Morbihan et la filiale Prosign du groupe Bouygues. Commercialisée depuis un peu plus d'un an, cette peinture, baptisée Ostréa trace sa route, tout en soulageant d'un poids, la production de déchets coquilliers des ostréiculteurs de la région bretonne, confrontés chaque année à l'élimination des montagnes de déchets de leurs parcs. 3 000 tonnes sont aujourd'hui collectées par l'entreprise de Kervellerin pour être séchées, concassées et broyées pour être transformées en poudre pure. À terme, Martine Le Lu, pharmacienne chef d'entreprise, pense traiter entre 5.000 et 10.000 tonnes de coquilles, puisque la demande est au rendez-vous...