
Hier, dans le cadre du Salon de l’Agriculture, était officiellement présenté le projet européen Biocore, une bioraffinerie transformant la biomasse en biocarburants et polymères de 2ème génération… L’occasion pour Michael O’Donohue, chef adjoint du département « Caractérisation et élaboration des produits issus de l’agriculture » à l’INRA et coordinateur de ce projet européen, de répondre à quelques questions…
Aujourd’hui, la tendance est très clairement orientée vers la diversification des ressources énergétiques en carbone renouvelable. A ce titre, la biomasse est jugée très intéressante dans la mesure où elle est à même de fournir la matière nécessaire à la production de biocarburants de 2ème génération et aussi de molécules de synthèse, de polymères et de matériaux….Le projet européen BIOCORE (« BIOCOmmodity REfinery ») va concevoir et analyser la faisabilité industrielle d’une bioraffinerie permettant de convertir les déchets agricoles et forestiers en biocarburants de 2ème génération, en molécules chimiques et en polymères plastiques biodégradables.
Pourvez-vous nous présenter les grandes lignes de ce projet extrèmement novateur?
Le premier défi sera de démontrer le fonctionnement d’une bioraffinerie à partir d’une biomasse très variée. Pour ce faire, le projet analysera dans un premier temps les paramètres influant sur la gestion d’approvisionnement de la bioraffinerie en paille de blé et de riz, en résidus forestiers et en bois de taillis à courte rotation. Plusieurs scénarios qui prendront en compte la saisonnalité des récoltes et les conditions de transport seront menés dans différentes régions d’Europe et d’Asie.
Sur un plan plus technique, le projet développera et optimisera les procédés permettant de valoriser la biomasse au niveau de toutes les étapes de sa transformation. La première étape consistera à traiter la biomasse brute pour en extraire ses principaux constituants valorisables : la cellulose, la lignine et les hémicelluloses. Le projet européen adaptera à tous types de biomasse un procédé breveté qui utilise des solvants organiques.
Par la suite, il combinera le développement de technologies biologiques et thermochimiques sophistiquées pour la transformation de la cellulose, des hémicelluloses et de la lignine en carburants de 2ème génération, résines, polymères plastiques (bio-PVC, bio-polylefins, polyuréthane, polyester etc.), détergents ou encore additifs alimentaires.Dans Biocore, la biomasse n’est pas uniquement valorisée sous forme de ressource énergétique. Elle est également considérée comme une source de carbone utilisable dans la synthèse de molécules chimiques et comme substitut au carbone utilisé en pétrochimie. Le but est ici d’aboutir à un éventail de produits valorisables sur des marchés extrêmement variés.
Si tout va bien, la mise en oeuvre du projet couvrira ainsi plus de 70% du marché mondial des polymères (utilisés dans l’industrie textile, l’emballage, la construction, les peintures, etc.).

En portant un certain nombre de technologies jusqu’à l’échelle du pilote industriel, Biocore apportera la preuve du fonctionnement de la bioraffinerie dans des conditions proches de celle du marché. Les procédés étudiés seront modélisés et optimisés sur le plan technologique et économique pour démontrer la faisabilité technologique des différentes voies de valorisation.Sur le plan environnemental, il permettra de mettre en place des études multicritères de durabilité qui permettront dans un premier temps d’analyser puis de maîtriser les impacts environnementaux du fonctionnement de la bioraffinerie. Les impacts sur l’utilisation et la qualité de l’eau, l’utilisation des terres, la fertilité des sols, les réservoirs de carbone souterrains, la biodiversité, les émissions de gaz à effet de serre et la rentabilité énergétique font partie des nombreux paramètres qui seront pris en compte.
Enfin, il assurera le transfert des technologies étudiées aux secteurs énergétiques, chimiques, biotechnologiques, agricoles et forestiers, ainsi qu'aux décideurs politiques et économiques.


Biocore s’inscrit dans cette dynamique car il vise à la fois la production de bioéthanol dans un pilote industriel et la production à partir de la biomasse d’un grand nombre de molécules de synthèse qui serviront pour la fabrication de polymères thermoplastiques (ex. PVC, les polyoléfines, les polyuréthanes, les polyesters) qui constituent plus de 70% du marché mondial des polymères.


La biomasse comme source de carbone est une notion centrale au projet. Il a en particulier pour ambition de répondre aux futurs besoins en produits carbonés, notamment par la production d’oléfines et d’acides organiques qui seront destinés à l’élaboration de plastiques. Concernant les oléfines, Biocore a pour objectif de développer des voies de bioproduction originales, avec des systèmes microbiens capables de produire d’une part de l’éthylène et d’autre part du propan-2-ol (précurseur du propylène). Par ailleurs, il relèvera le défi de l’intégration des biotechnologies et de la chimie en expérimentant à une échelle de pilote industriel la production du bio-PVC à partir de la cellulose.



En particulier, à travers son réseau de recherche « Carbio » (carbone renouvelable et les bioindustries), l’INRA a considérablement renforcé ses capacités afin de jouer un rôle majeur tant sur le plan national qu’européen. Dans ce contexte, Biocore s’insère dans une logique de filière développée par l’INRA : en témoigne l’implication de nos équipes de recherches à la fois en amont pour l’adaptation et la production de la biomasse (ex. projets européens NovelTree et Energy Poplar) jusqu’à la transformation de la biomasse en produits (Biocore).


Dans ce projet, les chercheurs de trois équipes du LISBP travailleront sur le développement de nouvelles enzymes et de procédés enzymatiques ainsi que sur le développement de microorganismes (bactéries et levures) pour la transformation directe de la biomasse en oléfines. Les travaux du LISBP seront soutenus dans Biocore par des chercheurs de l’UMR FARE (Fractionnement des agro-resssources et environnement, INRA- Université de Reims Champagne-Ardennes (URCA), Reims). Les recherches de ce laboratoire sont entièrement dédiées au domaine du carbone renouvelable et traitent en particulier des questions liées à la caractérisation de la biomasse en vue de sa déconstruction et de la reconstruction de ces composants.
Au total, l’implication de l’INRA dans ce projet représente environ 4 emplois à temps plein de chercheurs pendant les quatre années que durera la mise en oeuvre du projet.





De plus, des recherches innovantes, sur l’utilisation de nouveaux microorganismes dans le processus de fabrication de l’éthylène ou de l’isopropanol à partir de glucose (issu de la cellulose) et de pentose (issu des hémicelluloses) seront menées.


Afin de construire un modèle durable, Biocore mettra en place une évaluation des impacts environnementaux, sociaux et économiques liés au fonctionnement de la bioraffinerie. Cette analyse portera sur toutes les étapes de la transformation. L’analyse de plusieurs scénarios mettant en jeu des régions industrialisées et en voie de développement garantira la durabilité du projet dans diverses régions du monde.

