Biodéchets : du marc de café, aux champignons, c'est bête comme chou

Le 24/02/2019 à 20:15  

Biodéchets : du marc de café, aux champignons, c'est bête comme chou

Pleurote sur marc de café On estime à environ 20 tonnes, la quantité de marc de café collectée chaque mois en Ile de France, provenant des cantines de grosses sociétés de l'ouest parisien, mais aussi, depuis peu, des cafés et brasseries parisiens, qui se sont joint au mouvement ; il faut dire qu'à Paris, ville des bistrots et des terrasses, les ressources ne manquent pas, puisque la capitale produirait environ 600 000 tonnes de marc par an. Forts de ce constats, d'aucun ont eu l'idée de produire des champignons, et très précisément des pleurotes... qui atterrissent dans les assiettes des clients de ces mêmes établissements : ce ne sont pas des salades...

 Collecter les biodéchets à part est désormais une obligation ; ces déchets fermentescibles sont le plus souvent transformés en compost ou intègrent un process de méthanisation afin de produire de l'énergie. En Ile de France, une initiative originale tend à se développer : elle consiste à capter les marcs de café afin de les recycler en support servant à produire des champignons, plus précisément des pleurotes, qui sont cuisinées puis servies dans les brasseries et autres bistrots de la capitale.

Une fois trié, mélangé à du carton et du bois effilochés, ainsi qu'à des filaments de champignons, le marc de café est enfourné dans de longs boudins de plastique, pendus à la verticale dans l'obscurité, adin que ces sacs de substrat "incubent" pendant deux semaines.
"Nous reproduisons les conditions d'un sous-sol de sous-bois. La température et l'humidité y sont comparables" explique Arnaud Ulrich, l'un des deux fondateurs de UpCycle-La boite à champignons, basée à Saint-Nom la Bretêche (Yvelines), créée en 2014. Et le fait est : dans l'obscurité, le mycellium de champignon se multiplie, comme il le ferait sous les racines d'un arbre. Au bout de quinze jours, les sacs devenus tout blancs sont alors transférés dans une salle de "fructification". A ce stade, on met de la lumière, et on diminue l'humidité ; les sacs sont incisés, les pleurotes vont sortir. "Les champignons sont comme stressés, ce qui leur donne envie de se reproduire, et de libérer leurs spores, donc de sortir du sac. Ensuite, il n'y a plus qu'à récolter", poursuit Arnaud Ulrich pour qui "l'agriculture urbaine doit d'abord être liée au recyclage des déchets organiques de la ville, et s'inscrire dans une logique d'économie circulaire", rappelant que "30% des déchets urbains sont des biodéchets valorisables, alors qu'actuellement, seulement 5% de cette matière organique est recyclée".
Cette méthoide peut sembler originale ; il n'en est rien puisque "nous ne faisons que reproduire avec des méthodes modernes ce qui se passait au 19e siècle" : à l'époque, les "champignons de Paris" sont eux aussi, nés sur une idée de recyclage des matières organiques puisque les maraîchers franciliens les cultivaient dans des carrières autour de la capitale, en utilisant les crottins des milliers de chevaux qui servaient à livrer leurs légumes aux Halles, dans le cœur de Paris.

L'initiative ne manque pas d'intérêt puisque qu'environ 20 tonnes de marc de café sont collectées chaque mois, en provenance des cantines de grosses sociétés de l'ouest parisien ce qui permet une production de deux tonnes de pleurotes en moyenne, lesquelles sont vendues 15 euros le kilo. Tout récemment, les cafés et brasseries parisiens ont été sollicités pour emboiter le pas et adhérer au mouvement. D'aucuns ont déjà répondu favorablement à cette démarche de recyclage ... et récupèrent ainsi des pleurotes, proposées à la carte de l'établissement : "nous produisons entre 20 et 30 kilos de marc par semaine ; après chaque expresso, chaque capuccino servi au comptoir ou en salle, les garçons de café vident désormais le marc dans des sac à part, qui sont ensuite collectés", justifie Romain Vidal, l'un des pionniers en la matière, qui dirige la brasserie Le Sully à Paris,"et notre cuisinier, ravi, inscrit les pleurotes au menu pour les clients de la brasserie, d'autant que la qualité est au rendez-vous". Le chef atestant que "cultivés de la sorte, les champignons sont denses, goûteux, et rendent très peu d'eau à la cuisson".

A Paris, ville des bistrots et des terrasses, le gisement ne fait pas défaut et l'opération pourrait s'étendre rapidement : la capitale produirait environ 600 000 tonnes de marc par an (selon une estimation de UpCycle, qui accompagne des projets du même type dans plusieurs villes de France). Quid des boudins de sustrat, une fois la récolte de champignons effectuée? Retour à la terre, tout simplement : mélangé aux filaments de champignon et à la cellulose de bois, ce "champost" est utilisé comme compost par des horticulteurs et maraîchers.
Souhaitant aller plus avant dans cette voie, les deux associés installent maintenant des machines à produire du compost au pied de grandes tour de la Défense. Alimentées par des biodéchets provenant de restaurants et de déchets verts provenant d'espaces verts (tontes de gazon), les "Rocket", des tubes qui hachent menu, chauffent et malaxent, produisent en un temps record du compost, qu'ils vont utiliser pour produire... des champignons de Paris à partir de septembre.