Charte de l'environnement: La diabolisation du Principe de Précaution



Il est affirmé que le droit à la nature doit être l'un des fondements de toute civilisation, ou encore que l'homme a le devoir de respecter toutes les formes de vie, que l'emploi des engrais chimiques et des pesticides, nocifs pour la Nature, doit être progressivement réduit, que celui qui détruit la Nature doit payer, que le tiers au moins du littoral devra être gardé à l'état naturel, qu' au dessus de 1 500 mètres la montagne sera préservée de l'urbanisation, que la civilisation rurale doit être sauvée de la destruction,…et comme l'écologie ignore les frontières…
La protection de la Nature exige une communauté d'action à l'échelle européenne et à l'échelle mondiale
Trente deux ans après, que reste-t-il à faire dans le catalogue des bonnes intentions de la Charte de la Nature de la FFSPN ?
La réponse est claire!
A part la loi, tout reste à faire dans notre pays, la situation environnementale ayant continué à se dégrader, et pire encore, des situations quasiment irréversibles étant apparues. Magie du verbe et force de la loi conjuguées n'ont pas suffi à inverser la tendance lourde de la société industrielle, et les vœux de la Charte de la Nature restent des Vœux Pieux.

Bien que le littoral et la montagne soient déjà très bétonnés, leurs parties vierges sont encore et toujours les cibles des aménageurs de tout poil, les lois de protection sont sous la menace permanente d'amendements parlementaires venant les affaiblir, les fameux cavaliers législatifs qui s'insinuent souvent nuitamment au parlement.
Et de la civilisation rurale, que reste-il ?
A part l'agriculture biologique et diverses agricultures durables, force est de constater que la plus grande partie des campagnes ressemblent plus à des zones industrielles d'où est exclu le souci de la biodiversité qu'à des champs : la gestion équilibrée des territoires est en perdition.
Quant à la mer que l'on voyait danser dans les golfes clairs, elle est devenue le réceptacle de toutes les folies, et si elle danse toujours, c'est surtout en Irak dans le golfe, autour de guerres pétrolières qui n'osent pas dire leur nom et assombrissent l'avenir de l'humanisme et de l'humanité. Vidée de ses poissons, la mer perd ses barrières de corail, berce des marées vertes de nitrates, se couvre de pétroliers et clapote sous le pétrole qu'elle émulsionne, alors que l'effet de serre nous enserre, et que le protocole de Kyoto est ridiculisé avec cynisme par le plus gros gaspilleur de la planète. Quel constat ! Pourtant, depuis 1972 l'environnement est devenu progressivement un thème politique majeur. Les gouvernements les uns après les autres affirment qu'ils agissent et qu'ils lancent des politiques environnementales audacieuses, nous observons surtout que c'est le plus haut viaduc du monde qui a été lancé sur le Tarn à Millau !
Quant au reste, combien de divisions au Ministère de l'Ecologie et du Développement Durable !
Et quel budget ?
En 1978, dans un courrier intitulé Pour un nouvel art de vivre le Président de la République Valéry Giscard D'estaing s'adressant aux Français proposait la Charte de la Qualité de la vie il déclarait : en 1974 j'avais proposé un programme de défense de l'environnement en 18 points. Il est aujourd'hui intégralement appliqué. La France dispose maintenant d'un arsenal législatif parmi les plus avancés du monde dans le domaine du cadre de vie. Neuf réformes fondamentales ont été votées : réforme foncière, réforme de l'urbanisme, réforme de l'aide au logement, réforme de l'architecture, loi sur l'élimination des déchets, loi sur le contrôle des installations classées, loi contre la pollution de la mer, loi sur le contrôle des produits chimiques. Au cours du temps, ces dispositions ont été complétées par diverses lois, et en particulier la loi Barnier de 1995 relative à l'environnement, dans laquelle apparaît pour la première fois dans notre pays le principe de précaution. Le droit européen et le droit international inspirent notre droit interne et notre droit de l'environnement, tous ces textes nationaux de valeur législative sont regroupés dans le code de l'environnement : c'est un monument.




Plus la recherche progresse et explore des domaines de complexité croissante, plus les innovations et actions concrètes peuvent représenter des menaces pour la vie. Toutefois, dans tous les discours généraux, l'innovation est présentée positivement, ses aspects négatifs, qui parfois doivent bien exister, sont le plus souvent ignorés ou minimisés. C'est là que le principe de précaution devient utile, il permet à la puissance publique, pour certaines innovations et actions quand la nécessité s'en fait sentir, de prendre les précautions, que la seule compétition économique n'incite guère à prendre.
Trois situations peuvent être distinguées :



Cette situation découle d'un déficit de recherche sur les conséquences de l'innovation, et dans sa rédaction, le principe de précaution incite à faire les recherches que l'on ne fait pas, ou que l'on ne veut pas faire pour diverses raisons, la première étant économique teintée d'idéologie.
Après des années de recherche et des centaines de millions d'euros investis, on comprend facilement que la pression puisse être forte pour un retour rapide sur investissement, et une accélération de la diffusion de l'innovation, même si les conséquences environnementales sont incertaines.
Mais pour des raisons de gros sous, faut-il accepter une telle précipitation : la réponse est non !
La guerre pour la diffusion des OGM dans la nature, dans l'alimentation animale, et dans notre alimentation, illustre bien cette pratique déjà très en vogue dans le domaine de la chimie, en agriculture par exemple, où la précaution ne s'applique qu'à la productivité.
D'où le combat acharné contre le principe de précaution de certains PDG, ces adeptes du risque zéro en parachutes dorés, mais qui craignent surtout la volatilité de leurs actionnaires. Sauf qu'en cas de malheur, ce sont les élus qui seront en première ligne, c'est pourquoi la constitutionnalisation du principe de précaution est une sage mesure.
C'est ce que propose le gouvernement puisque le texte de la Charte de l'environnement qu'il a soumis au parlement porte aussi sur le principe de précaution.
Ce texte est soutenu publiquement par l'UFC Que Choisir , par France Nature Environnement, par des industriels et des scientifiques, soutien exprimé au travers d'une lettre ouverte adressée aux parlementaires.
Entre le droit et la dégradation de l'environnement, la course poursuite continue. Comme pour la Charte de la Nature en son temps, la constitutionnalisation du droit de l'environnement est une étape.
Après l'adoption de la Charte, il restera encore à vivre intelligemment avec la science, à construire des politiques environnementales efficaces, à moderniser les outils techniques administratifs et conceptuels du développement durable, il restera surtout à faire évoluer la mentalité des conquérants : ces adeptes de la contrainte zéro !
