Consigner les emballages : une fausse bonne idée pour collecter plus ?

Le 07/02/2018 à 18:37  
Consigner les emballages : une fausse bonne idée pour collecter plus ?
consigne La piste semble sérieusement étudiée par les pouvoirs publics, le Gouvernement envisageant en effet, d'instaurer un système de consigne sur certains emballages, afin d'améliorer la collecte des déchets en France. C'est ce qu'a confirmé ce matin, le ministère de la Transition écologique et solidaire, cette idée ayant émergé lors d'une première phase de consultation en vue de l'élaboration d'une feuille de route sur l'économie circulaire. Brune Poirson, secrétaire d’Etat auprès du ministre Nicolat Hulot, avait annoncé présenter cette mesure lors d’un déplacement, à Pantin (Seine-Saint-Denis) ce matin, dans l’entreprise Lemon Tri, spécialisée dans le recyclage « multiflux », dont les machines de tri peuvent reconnaître les types d’emballages...


 
Belle mise en avant de la start up Lemon tri aujourd'hui : Brune Poirson, secrétaire d’Etat auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire, a visité ce matin les locaux de la jeune société, située en Seine Saint-Denis, pour lancer la dernière phase de consultation publique sur l’élaboration de la feuille de route pour l’économie circulaire à Pantin... Créée en 2011, par Augustin Jaclin et Emmanuel Bardin, deux amis d’enfance, la startup Lemon Tri propose un service clé en main de recyclage multi-flux: bouteilles, canettes, gobelets, papier, carton, verre, piles … Elle installe des machines "intelligentes" dans les lieux de forte consommation et "incitatives", en récompensant le trieur, puisque l'idée est de doper le trie les emballages de boisson. Son objectif, est de favoriser davantage de recyclage via des solutions adaptées à toutes les situations hors domicile, puisque c'est là où le taux de récupération est le plus bas : salles de pause des entreprises, campus, centres commerciaux, gares, aéroports, centres sportifs, cinémas et autres lieux dédiés à des événements. Depuis 2017, Lemon Tri a développé en effet, une offre déchets plus large avec un recyclage 100% matière et 100 % localisé en France. La matière est collectée, triée et conditionnée par l’entreprise d’insertion Lemon Aide, filiale de Lermon Tri, avant d’être envoyée, une fois massifiée, dans des filières de recyclage choisies pour leur proximité géographique (toujours sitiées en France) et leur efficience (procédant à un recyclage 100% matière).

La question de savoir pourquoi avoir choisi Lemon Tri. La réponse est simple : les machines qui captent les déchets d'emballages récompensent le trieur. Tout un symbole. Or, depuis quelque temps, l'idée de la consigne refait surface et revient à la mode, même si le principe ne fait pas l'unanimité : le Gouvernement la considère avec bienveillance, tant et si vrai que l'on étudie la faisabilité de l'instaurer à plus grande échelle.  « La France est en retard sur la collecte des déchets plastique en comparaison de ses partenaires européens. Elle ne peut plus être témoin de cette réussite sans tenter d’innover pour améliorer cet enjeu majeur de transition écologique. J’appelle les Français à donner leur avis sur le système de consigne sur lequel nous réfléchissons », a déclaré Brune Poirson, ce matin.
Lancée en octobre et pilotée par la secrétaire d'Etat, cette feuille de route, attendue pour fin mars, vise à améliorer la gestion du cycle de vie des produits, de leur conception jusqu'à leur traitement lorsqu'ils deviennent déchets.
Le dispositif de consigne, c'est à dire le fait d'associer un emballage à une caution que le consommateur paye à l'achat du produit et récupère sous forme monétaire ou de bon d'achat lorsqu'il le restitue, pourrait s'appliquer à certaines bouteilles en plastique, aux canettes et peut-être aux piles ; le gouvernement souhaite en tout cas  "explorer d'autres modèles de collecte" afin d'arriver à recueillir l'ensemble des produits recyclables.
Un système de consigne est donc à l’étude et soumis à consultation du public jusqu’au 25 février prochain. Les autres mesures de la « pré-feuille de route » seront dévoilées peu à peu : la première partie intitulée « mieux gérer les déchets » est en consultation dès aujourd’hui ; la seconde partie « mieux produire » sera en consultation dès le 9 février ; enfin, la troisième partie « mieux consommer » et la dernière partie « mieux mobiliser », seront en ligne le lundi 12 février.

Si le taux de collecte des emballages plastiques se situe actuellement à 60% en France (chiffres cités par le ministère de la Transition écologique), le collecte en zone urbaine, n'est que de 10% .
D'où l'idée d'inciter les clients à restituer leurs bouteilles dans des machines situées dans différents lieux (commerces, lieux publics, entreprises), étant entendu que pour que cela fonctionne à plein, il faudrait "le plus de points de collecte possible", des acteurs privés et publics pouvant assurer leur gestion, précise le ministère. Il va de soit que dans un premier temps, si l'on décidait d'opter pour cette piste, des expérimentations seraient menées (Paris et Marseille ont déjà indiqué leur intérêt), les intéressés à ce type de projet s'inspirant des systèmes ayant fait leurs preuves dans d'autres pays européens comme l'Allemagne, où la consigne varie entre 8 et 25 centimes, mais l'éventuel dispositif de consigne devrait s'articuler avec le système de collecte actuel. 

Et c'est peut-être là que le bât blesse. Monsieur Jourdain, non pas celui qui jadis faisait de la prose, mais l'élu, le président du Syndicat mixte des déchets des Vosges, Benoît de son prénom, sachant de quoi il côse, puisqu'il est sur le terrain, expose, dans le cadre du dernier point presse organisé par l'association Amorce que les « collectes concurrentes, via les machines intelligentes et autres opérations associatives, coûtent de l'argent aux collectivités, contrairement à ce que l'on pourrait penser », citant pour étayer son propos, le cas de la collecte des « bouchons d'amour » (consistant à récupérer les bouchons des bouteilles en plastique) et autres opérations du même type : « 30 000 euros de soutien Eco-emballages (Citéo) en moins pour notre syndicat, en raison de ce qui a été collecté par ce biais », rappelant que le syndicat a investi et dans la mise en place de la collecte sélective et dans un centre de tri récemment modernisé, afin de se mettre en adéquation avec les directives édictées en matière de tri des déchets ( voir Vosges : le tri renait de ses cendres).
En d'autres termes, il serait presque plus intéressant pour une collectivité de faire des dons aux associations impliquées via ces opérations, que de laisser ces collectes spécifiques s'installer sur les territoires... Ce qui donne matière à réflexions.

Les élus impliqués seront-ils entendus ? Telle est la question. Car Benoit Jourdain, par ailleurs Vice-Président de l'association Amorce, en charge des « Déchets et REP », n'est pas seul à constater les faits évoqués... « On ne comprend pas cette proposition de consigne sur les bouteilles en plastiques », a déclaré Nicolas Garnier, délégué général d’Amorce : « à quoi servirait le service public ? », étant entendu que l'instauration d'une consigne à grande échelle priverait non seulement les territoires de la gestion d’une partie importante du gisement de déchets (et ce, après que les collectivités aient investi dans des outils dédiés au tri modernisé et automatisé), mais pourrait aussi, mettre des emplois en délicatesse. « L'enjeu financier est important pour les collectivités », abonde Gilles Vincent, président d’Amorce.
Toujours est-il que la consigne pourrait revoir le jour, sous l’impulsion du Gouvernement qui en fait une mesure phare de sa future feuille de route de l’économie circulaire.
Il s’agirait, selon la pré feuille de route actuellement en préparation – pour rappel, le document final doit être présenté fin mars – « d’augmenter l’envie de trier ses déchets ». Demain, ce système s’appliquerait d’abord aux bouteilles en plastique et aux canettes métalliques. Il serait notamment destiné aux déchets « hors foyers », aux millions de bouteilles et canettes achetées dans le commerce, consommées et abandonnées sur place, représentant plus de 10 % du volume des bouteilles consommées chaque année par les Français à leur domicile.