CSR : pour bien se préparer à l'avenir...

Le 04/05/2016 à 15:51  

CSR : pour bien se préparer à l'avenir...

Geoffroy Secula Préparer l'avenir et investir, exige certes du courage, surtout en période de morosité économique, mais bien évidemment également, de croire au devenir de son métier, de son entreprise, et d'imaginer de manière constructive, une passation de pouvoir ultérieure à sa descendance, avec en perspective, la transmission d'un outil parfaitement adapté aux nouvelles donnes du marché : recevoir le recyclage en héritage n'est pas antinomique avec la modernité...

A chaque fois qu'une filière voit le jour, quel que soit le domaine considéré, la règle qui s'applique est sensiblement la même : il y a ceux qui y croient, des sortes de pionniers, ceux qui prendront le train en marche une fois que l'affaire sera entendue, et ceux qui louperont le coche...
Chez Bourgogne Recyclage, il ne sera pas dit que l'entreprise aura attendu que le marché local soit saturé avant d'opter pour la production de combustibles solides de récupération, au contraire : afin d'occuper correctement le terrain, on a même choisi de construire une unité évolutive, dont la capacité initiale permet de traiter plus de 40 000 tonnes de déchets par an.
Investir encore et toujours, pour un jour passer la main, prouve s'il en est besoin que l'on croit au lendemain, à l'avenir d'un vieux métier que l'on sait depuis des générations adapter à des réalités nouvelles. C'est le choix de Pascal Secula (voir Côte d'Or : quand le déchet "donne chaud"), qui préside cette société indépendante et familiale, que d'avoir opté pour la modernité et tablé sur l'ouverture du marché des Combustibles de Substitution issus du Recyclage, à moyen ou plus long terme ...
A quelques jours près, dix huit mois se sont écoulés entre l'inauguration de cette unité de production de CSR (Voir  Bourgogne Recyclage ne manque pas d'énergie) installée à Ruffey-lès-Beaune et aujourd'hui ; belle opportunité pour faire un point, avec Geoffroy, fils aîné du dirigeant, quant aux performances de l'unité, mais également sur les perspectives du marché du CSR... Geoffroy Secula étant ravi d'annoncer au tout début de l'entretien, qu'après sa sœur Virginie, le « petit dernier » de la fratrie, Guillaume, âgé de 26 ans, a rejoint l'entreprise familiale fin 2015, après avoir suivi le cursus d'une école de commerce (tout comme son aîné, ndlr). « Dans un premier temps, il s'imprégnera de nos métiers, via un passage obligé sur chacun des sites de la société afin d'en comprendre parfaitement le fonctionnement ».


 Avez-vous dû apporter des modifications à l'unité, depuis sa construction ?
 Absolument pas. Nous sommes très, très satisfaits, et du choix d'avoir investi dans ce domaine, et de l'outil industriel que nous avons pu mettre en place, grâce aux équipes d'Aktid et de ses partenaires. C'est si vrai que les objectifs que nous nous étions fixés ont pu être atteints en moins d'un an, ce qui nous permet de traiter et valoriser les déchets non recyclables résultant de notre activité, en limitant considérablement notre recours à l'enfouissement, voire à l'incinération.
Il faut toujours un laps de temps pour s'approprier l'outil, apprendre à l'alimenter et à le maîtriser.
Tester les machines, les solliciter pour obtenir le réglage optimal, afin d'apporter une amélioration en continu, était bien évidemment prévu à notre programme initial. A l'usage, il nous est apparu opportun d'ajouter à l'unité un compacteur, qui se substitue à la benne que nous avions installée, ce qui permet d'optimiser le rapport volume/poids des déchets en PVC qui ne font pas partie des ingrédients composant nos CSR, et qui au préalable, tombaient dans une benne. Nous limitons ainsi le nombre de rotations.
L'unité assure 12h30 par jour de production, tandis que chacun des 6 collaborateurs affectés en permanence à celle-ci, auxquels s'ajoutent 2 personnes pour assurer la maintenance pendant la production, travaillent 4 jours par semaine. Les équipes étant constituées dans le respect des 35 h de travail hebdomadaire.

 Qu'est ce qui a fait penché la balance, en faveur de la production de CSR chez Bourgogne Recyclage ?
 Ressource énergétique promise à un devenir évident, surtout dans le contexte officiel d'une transition énergétique à venir, et alors que les cimentiers, passent peu ou prou à ces énergies alternatives en lieu et place de celles d'origine fossile pour limiter leur dépendance vis à vis de ces énergies traditionnelles et abaisser leurs coûts de production, permet de penser que l'avenir sera en faveur des entreprises qui auront choisi d'aller dans ce sens afin de fournir une énergie locale, à un coût maîtrisé...
Il est probable que bientôt, les cimentiers, actuellement principaux consommateurs de CSR, ne seront plus seuls sur les rangs ; d'ores et déjà, d'autres utilisateurs potentiellement intéressés, se font connaître. Le curseur change peu à peu de position ; nous assistons au début d'un changement en profondeur des usages.
Par ailleurs, il est nécessaire de rappeler que le taux d'enfouissement devra être réduit au cours des prochaines années, ce qui laisse entendre qu'il faut préserver les centres de stockages, qu'il sera plus difficile aussi d'obtenir des autorisations pour en ouvrir de nouveaux.
Solution efficace pour limiter le taux d'enfouissement, condamné à baisser au vu des dernières dispositions réglementaires, la production de CSR constitue une autre manière de procéder à la valorisation des déchets ; une manière supplémentaire et complémentaire. Une fois ces paramètres intégrés, il suffit de se lancer...
L'enjeu pour nous, n'était pas tant de travailler davantage sur les entrants, mais de mettre en place une solution intelligente afin d'optimiser la gestion de nos refus. Etant entendu qu'il va de soit que les tonnes de proximité, tout comme les tonnes de qualité, qui se présentent, apportent un potentiel qu'il ne nous faut pas négliger.
La filière des combustibles solides de récupération est encore marginale en France, mais cela ne pourra pas perdurer ; avoir choisi d'investir dans ce domaine est un plus.
Commercialement parlant, nous avons maintenu nos prix, tout en faisant savoir que nous sommes désormais à même de proposer une nouvelle solution à nos clients, à savoir une solution dédiée à la valorisation maximale, ce qui renforce par ailleurs, notre image de recycleur.
Au demeurant, notre entreprise étant implantée dans la région de longue date, nous n'avons rencontré aucun problème d'acceptabilité, au contraire, ce qui renforce notre crédibilité en qualité d'industriel.

CSR Pensez-vous que l'instauration d'une fiscalité incitative puisse favoriser des investissements du même ordre, au sein des entreprises de recyclage ?
La mise en centre de stockage des déchets reste relativement bon marché dans bien des régions. A cela s'ajoute que la TGAP est stable et peu chère dans notre pays, ce qui constitue une sorte d'hérésie à la française, puisque cela va très clairement à l'encontre de la politique officielle qui vise à optimiser les solutions de valorisation et de recyclage dans nos territoires. Un lobbying efficace aurait-il oeuvré pour maintenir un niveau aussi faible de la taxation? Je ne saurais l'affirmer. Toujours est-il que l'intérêt économique de bien des investissements en matière de valorisation et de recyclage, la production de CSR étant incluse dans ce raisonnement, passe par l'instauration d'une TGAP à un juste niveau, et non à un niveau bas.
Je suis partisan d'une hausse de la TGAP qui ne devra pas pour autant atteindre des sommets, je le répète, ceci constituant un effet de levier favorisant les investissements au sein de nos entreprises.
C'est si vrai que partout en France où l'enfouissement coûte peu cher, où il n'est pas denrée rare, il n'existe quasiment pas d'unité de production de CSR ; en revanche, dès lors que l'enfouissement est plus onéreux, on assiste à la construction de ce type d'installations. Si la filière n'a pas encore acquis sa maturité, elle se construit peu à peu, notamment là où le prix de l'enfouissement est élevé, ce qui démontre qu'une TGAP ajustée favoriserait la production de ces combustibles qui trouveraient preneurs facilement dans la mesure où nous ne rencontrons guère de difficultés pour les écouler, pour autant que nous fournissions la qualité souhaitée par nos clients.
La Bourgogne Franche Comté est une région médiane : les capacités de stockage ne manquent pas, mais elles ne sont pas pour autant pléthoriques...
Cela étant dit, il faut faire la part des choses et tenir compte des réalités : ne perdons pas de vue qu'une décharge, même aux normes existantes, n'a rien à voir avec un outil industriel ; au demeurant, les coûts d'exploitation ne sont pas comparables...
Le contexte est ce qu'il est aujourd'hui. Pour autant, notre choix d'avoir construit cette unité dédiée à la production de CSR est raisonné et basé sur une vision à moyen et long terme : la fiscalité évoluera afin d'encourager les investissements visant à réduire la part des déchets ultimes, de la même manière qu'en parallèle, les marchés vont s'ouvrir...

 Cela signifie-t-il qu'il faudra attendre une TGAP ajustée pour qu'une unité telle que celle de Bourgogne Recyclage atteigne l'équilibre économique ?
Notre installation est déjà à l'équilibre économique si je me réfère aux tonnages dont nous disposions avant la mise en service de cette installation, pour lesquels il fallait payer le prix de l'enfouissement et acquitter la TGAP. Notre conviction est que le CSR de qualité ne connaîtra pas de problème de débouchés, tandis que le prix des énergies fossiles remontera un jour. La rentabilité est donc à venir mais elle est inéluctable.

 Le CSR reste un déchet ; un changement de statut serait-il un atout ?Statut juridique
Le changement de statut juridique du CSR est actuellement figé ; certains auraient intérêt à ce qu'il change, d'autres, non. Le CSR reste en effet encore un déchet, juridiquement parlant. Mais une chose est sûre : techniquement parlant, il n'en va pas de même. Sur le terrain, il est déjà acquis via les cahiers des charges, toujours ultra précis, lorsqu'une modification du process de fabrication est en jeu, que les CSR sont des combustibles et donc des produits. D'ailleurs, lorsque nos clients sollicite un changement des caractéristiques de nos CSR, ils ne parlent jamais des caractéristiques de nos déchets...
Nous avons fait le choix d'expliquer cette nouvelle activité et avons été compris par la population, comme par les politiques, ce qui explique que nous n'ayons essuyé aucun rejet lorsque nous avons exposé notre projet. Dans cette logique, nous avons opté une production de qualité et avons ouvert de nombreux débouchés qui ont des impératifs différents, ce qui fait que nous avons diversifié nos produits et sommes en mesure de fournir trois grandes familles de combustibles à des cimentiers mais également à d'autres industriels.
Je serais tenté de dire que l'enjeu est d'ordre culturel. Arrêtons d'assimiler utilisation de CSR et incinération puisque ça n'en est pas : on ne broie pas du déchet, nous travaillons des déchets non dangereux pour en faire un combustible, ce qui n'est pas du tout la même chose ! Nous préparons en effet, des déchets pour en faire une matière qui réponde à des critères précis, ce qui fait de nous des fournisseurs d'énergie renouvelable ou des fournisseurs d'énergie non fossile. Le sujet CSR est sensible en raison de cet amalgame qui est trop souvent fait entre l'incinération des déchets et la production d'une matière qui vient se substituer à une énergie fossile ; c'est là que le bât blesse.

 Un projet de confédération est en cours. Que pourra-t-il apporter, selon vous, à une entreprise telle que Bourgogne Recyclage ?
Je suis "Pour", à condition que cela renforce nos actions communes de lobbying et donc de reconnaissance et que pour le reste, Federec reste l'entité unique et incontournable des métiers du recyclage.