Déchets : aux origines de la pollution plastique

Le 07/06/2019 à 15:12  
Déchets : aux origines de la pollution plastique
 D’où viennent les déchets plastiques ? Sous quelles formes arrivent-ils en mer ? Où faut-il concentrer nos efforts pour stopper leurs flux ? Quels impacts ont-ils sur la biodiversité marine et le vivant ?... Pour répondre à toutes ces questions, la Fondation Tara Océan lance une nouvelle mission sur 10 fleuves d’Europe aux origines de la pollution plastique. En effet, on estime que 80 % des déchets plastiques en mer sont d’origine terrestre...

 Depuis 2010, la goélette Tara prélève des microplastiques (de 0,2 à 5 mm de diamètre) dans ses filets à l’occasion de ses différentes expéditions. Le constat est clair : ces fragments de microplastiques sont omniprésents dans l’océan. Après s’être concentrés sur cette pollution en mer Méditerranée en 2014, avoir découvert l’importante zone d’accumulation dans l’océan Arctique en 2017 et identifié la biodiversité associée dans le "vortex" du Pacifique Nord en 2018, la goélette et ses partenaires vont identifier les sources, prédire le devenir et évaluer l’impact des plastiques de la terre vers la mer.

 Si de nombreuses études en Europe et dans le monde permettent déjà de caractériser les flux de déchets en milieux aquatiques (eaux de mer, eaux littorales, eaux de transition comme les estuaires et lagunes, fleuves), elles se concentrent le plus souvent sur les macrodéchets (> 2 cm). Issus de la dégradation des macrodéchets plastiques, les microplastiques ont de nombreuses interactions avec les organismes marins : dispersion d’espèces potentiellement invasives ou pathogènes fixées sur les plastiques, accumulation de produits toxiques dans la chaîne alimentaire...

 Pluie ruisselant sur les routes, caniveaux, lacs, cours d’eau tels que rivières ou fleuves : autant de vecteurs des déchets plastiques produits par chacun d’entre nous qui finissent par se retrouver dans l‘océan. En se rapprochant des côtes, la goélette Tara va donc mener une nouvelle enquête pour tenter d’identifier l’origine terrestre des matières plastiques retrouvées en mer. Biologistes marins, écotoxicologues, océanographes, modélisateurs, chimistes et physiciens composent une équipe interdisciplinaire d’une quarantaine de scientifiques au sein de cette mission. Ils travailleront collectivement à deux grands objectifs scientifiques communs :

 identifier les sources de pollution, comprendre leur fragmentation dans les fleuves et prédire leur dispersion vers l’océan ;
 comprendre leurs impacts sur la biodiversité marine et leurs effets sur la chaîne alimentaire.
 L’échantillonnage est prévu à l’embouchure de 10 des 15 principaux fleuves d’Europe : la Tamise (Angleterre), l’Elbe et le Rhin (Allemagne), la Seine, la Loire, la Garonne et le Rhône (France), le Tage (Portugal), l’Èbre (Espagne) et le Tibre (Italie). Les prélèvements de microplastiques (1 - 5 mm), particules micrométriques (1-1000 µm) et nanoplastiques (1-999 nm) seront effectués en surface et dans la colonne d’eau. Ils sont autant d’indices et de "pièces à conviction" pour remonter à l’origine de la dispersion, identifier les foyers de dispersion (selon leur taille et leur nature chimique), et cibler les plus fortes concentrations de microplastiques pour agir, demain, à la source.
 Les échantillonnages en mer, dans les estuaires et dans les fleuves permettront d’étudier l’impact des plastiques sur la biodiversité et leur transfert dans la chaîne alimentaire. Les plastiques sont de véritables radeaux qui peuvent transporter une large diversité d’espèces sur de grandes distances et perturber durablement les écosystèmes. Ils peuvent également s’accumuler dans la chaîne alimentaire et terminer dans nos assiettes. Les plastiques contiennent des additifs (notamment des perturbateurs endocriniens) qui peuvent être "relargués" dans les tissus des animaux qui les avalent. Ces recherches contribueront à hiérarchiser demain les plastiques les plus toxiques selon leur composition, pour les éliminer en priorité de notre consommation.
 Devant l’impossibilité de collecter le stock de microplastiques en mer, la solution la plus efficace revient à enrayer les flux de déchets depuis les continents. "Identifier les sources de ces flux est incontournable pour la mise en place de politiques publiques efficaces. Cette mission de la Fondation Tara Océan et du CNRS, bien que succincte, apportera quelques indices pour affiner les approches futures et modéliser les flux", indique Jean-François Ghiglione (CNRS), Directeur scientifique de la mission. "Mieux évaluer les sources des microplastiques et leur devenir en mer est un enjeu scientifique et politique qui permettra de lutter plus efficacement contre cette pollution, tout en avançant dans le recyclage, la réduction, le réemploi et la réparation, et de contribuer au débat et aux actions de l'économie circulaire".