Déchets corses : miser sur le tri, et pas seulement sur le trou

Le 07/09/2015 à 18:13  
Déchets corses : miser sur le tri, et pas seulement sur le trou
Corse L'île de beauté est dans l'urgence. Insulaire et touristique, la Corse connaît un problème déchets spécifique et majeur : ses décharges arrivent à saturation, tandis que les moins scrupuleux choisissent volontiers de ne pas se faire suer pendant leurs congés. Les vacances ne sont pas toujours propres et les déchets ne manquent malheureusement pas, ni sur les plages, ni sur les sentiers de randonnée. A cela s‘ajoute l’essor démographique, avec à la clé des constructions (et donc des déchets du BTP), davantage de déchets ménagers, mais aussi, une croissance exponentielle du nombre de supermarchés (et donc de produits, emballés), l’île serait le territoire qui compterait le plus grand nombre de supermarchés de France par tête d'habitant ; cela n’aide évidemment pas, en termes de tonnages de déchets à traiter. 300 000 tonnes annuelles sont sur les bras des collectivités locales (contre environ 187 000 tonnes en 2004)…
 Au vu du manque évident d’infrastructures, complétant l'enfouissement (qui sature), mais également des efforts de nombreuses communes pour tenter de développer le tri mécanique et instaurer le tri des ordures ménagères, tandis que pour l’heure, les projets n’avancent guère, les résultats quant au tri sont (globalement) insuffisants, Ségolène Royal a lancé un appel, le 22 août dernier, à Bonifacio, à une mobilisation générale : parce qu’il s’avère, en plus, que certains centres de stockage étant à bout de souffle, ils ne souhaitent plus réceptionner les déchets venant d’ailleurs.
La ministre a annoncé que des dérogations à la loi littoral, « strictement encadrées » pourraient être apportées avant la fin de l'année sur des projets d'unités de traitements des déchets, pour parvenir à éliminer l'enfouissement, ce qui n’a pas ravi les associations locales de protection de l’environnement (surtout après l'annulation par le tribunal administratif de Bastia du permis de construire d'une unité de traitement industriel sur la côte de la plaine orientale, alias Talonne II) qui se sont empressées de poser une question : « Comment Mme Royal peut-elle dénoncer le tri mécano-biologique à Paris et le défendre ici? ». Oups…

Certes, partout n'est pas catastrophique : il est même des exceptions au principe, qui ravissent. Ainsi, Girolata, tout petit village, situé sur la côte occidentale de l'île, a réussi à instaurer une politique qui fonctionne, en matière de traitement de ses déchets : tri à la source du verre, du plastique et des métaux (qui repartent par la mer) + compostage des déchets organiques = recyclage d’environ 80% des tonnages et 20% d’enfouissement, à la grande satisfaction de son maire, François Alfonsi. Il faut dire que Girolata, enclavé, non relié par la route, mais attirant néanmoins une foule estivale parce que situé au-dessus de la réserve naturelle marine de Scandola, connaissait un problème « déchets » qui pouvait sembler insurmontable…
Le succès enregistré n’est pas sans intéresser les responsables du syndicat mixte de valorisation des déchets (le Syvadec) qui doit lutter pour parvenir à ce que soit initié pour de bon, un projet qui tienne la route et qui résolve à tout le moins, une partie du problème. Cinq échecs ayant été essuyés au cours de ces dernières années, quand à l’installation d’une unité de traitement sur l’île, il reste à miser à fond sur le tri, ce qui ne suffira pas nécessairement. L’heure est en effet à la prise de responsabilité : il faut coûte que coûte, éviter la rupture du service public et en arriver à une crise des déchets façon napolitaine. Et ce n’est pas le président du syndicat, François Tatti, qui dira le contraire, convaincu qu’il est, qu’il faut continuer à travailler, et à avancer.

Historiquement, il était primordial de ne pas mettre la charrue devant les bœufs, mais de commencer par mettre en place des infrastructures permettant de traiter les déchets résiduels, visant à terme, à la fermeture des décharges sauvages. « C'est le travail accompli avec succès par le Syvadec depuis 2007. Rappelons que tous les sites illégaux et dangereux de notre territoire ont été fermés, et nous avons construit des infrastructures pérennes pour accueillir, transporter, trier et traiter nos déchets », a indiqué récemment le président du syndicat, à notre confrère Corse Matin. Ainsi, le Syvadec a investi dans « deux pôles environnementaux aux normes ISO 14 001, dix quais de transfert de déchets et de regroupement du tri et quinze recycleries, soit 27 activités réparties sur 22 sites dans toute la Corse ». A la suite de quoi, « pour trier, il faut disposer des filières de valorisation et de recyclage. Dans ce domaine, notre action a permis la création de treize filières de recyclage, alors qu'il n'en existait que cinq en 2007. Toutes les infrastructures et les filières sont désormais en place pour pouvoir traiter et valoriser au mieux nos déchets. C'est un travail considérable qui a permis à la Corse de rattraper 15 ans de retard ».

Sauf que la collecte sélective n’a pas suivi : si certaines communes ont joué le jeu, d’autres ne l’ont pas fait. Quand bien même « la Corse a plus que triplé le tri en 6 ans, nous sommes restés globalement trop timides avec un taux moyen de tri des ménages de 7 %. Heureusement que les nombreuses recycleries récupèrent quelque 13 % de plus, ce qui donne un total de 20 % de tri et de valorisation en moyenne ».
Or, sans le tri à grande échelle, la politique mise en œuvre est bancale : non seulement le stockage des déchets coûte cher (les installations modernes respectent des normes très strictes, ce qui suppose des investissements non négligeables, et n’ont plus rien à voir avec les anciennes décharges ; c’est sans compter la TGAP), mais en outre, les décharges finissent par saturer ; au vu des difficultés pour en ouvrir de nouvelles, il faut bien s’engager dans une voie parallèle qui a de l'avenir : le tri et une nouvelle unité de traitement, et non plus uniquement, le trou. L’enfouissement a ses limites.
La dernière crise en date, est sans précédent et a servi d’électrochoc : faisant suite à l'annulation du projet de Tallone II, elle a imposé une prise de conscience collective et a obligé à réfléchir, à prendre ses responsabilités. L’abandon de ce projet n’est jamais que le 5ème à avoir capoté en quelques années (après Ajaccio, Cervione, Bonifacio, Albitreccia...), sauf que maintenant, le territoire est acculé. « Sans Tallone II et une politique de tri ambitieuse, la Corse pourrait bien être en rupture de service public, et ce, dès l’année prochaine »! Les élus qui accueillent les centres de stockage, comme les citoyens des territoires concernés, ont accepté de continuer à accueillir les déchets, mais exigent en contrepartie que les territoires producteurs fassent des efforts tangibles pour réduire leurs tonnages (tout particulièrement en ce qui concerne les déchets fermentescibles) et que tous les élus soutiennent les projets de traitement, notamment Tallone II.