Déchets d’emballages : quand le financement est mal ficelé...

Le 02/06/2016 à 3:54  

Déchets d’emballages : quand le financement est mal ficelé...
Désaccord
La période est décidément à la contestation : le financement de la collecte du tri et du recyclage des déchets d’emballages tel qu’il est ficelé déplait (soyons soft) aux collectivités. Si on avait bien compris l’hostilité d’Amorce à ce qui est en train de se préparer via le projet de cahier des charges qui serait appliqué dans le cadre du réagrément de l’éco-organisme, cette fois, c’est officiel : l’association appelle à la mobilisation !

Avec une production moyenne de plus de 300 kg de déchets d'emballages par foyer (impressionnant quand on sait les efforts réalisés pour alléger chacun d’eux), le recyclage n’aurait été effectif que pour 67% des quantités, avec à la clé une facture de plus de 1,4 milliards d'euros, laquelle est réglée pour 50% par les producteurs d'emballages (et donc les consommateurs de produits emballés) via le point vert, et pour le solde, par les impôts locaux (le contribuable, qui est aussi consommateur à ses heures).

La loi préconise un taux de recyclage de 75% de recyclage d'ici 2022... Mais à quel prix?  Si le ministère de l'Environnement, qui vient de communiquer son nouveau projet de cahier des charges pour la filière, accompagne celui-ci d'un projet de barème de financement de la gestion des déchets d'emballages ménagers, les collectivités rassemblées sous la bannière Amorce dénoncent d'ores et déjà une sous évaluation du coût effectif de la gestion de ces déchets...et martèlent (depuis quelques années déjà),les termes de la loi Grenelle qui confirme une prise en charge de 80% de ce coût par les producteurs d'emballages et les metteurs en marché des produits emballés...
Or, dénonce l'association, le projet ministériel aboutit ni plus ni moins à un barème "qui entraînerait dès 2017 des pertes financières pour la totalité des collectivités territoriales. Avec ce projet de barème, le ministère fixe des objectifs de recyclage inatteignables aux collectivités et les contraint à fermer une grande partie de leurs centres de tri pour espérer compenser leurs pertes". Quand bien même c'est une évidence, mieux vaut rappeler par écrit que les centres de tri ont nécessité des investissements importants, et que par voie de conséquence, la fermeture de certaines unités (annoncée par Amorce) reviendrait à mettre des sommes d'argent importantes ... à la poubelle!
Dans l'intérêt de leurs administrés et dans la perspective d'un prochain arbitrage interministériel, Amorce "appelle donc les collectivités et leurs représentants à peser davantage sur les négociations en cours afin d'éviter que le développement du recyclage entraîne in fine une hausse des impôts locaux" ...

L'association ne manque pas d'arguments pour faire valoir ses exigences et encore moins de rappeler que "l'article 46 de la loi Grenelle 1 impose une prise en charge par les producteurs d'emballages à hauteur de 80% des coûts nets optimisés de la collecte, du tri et du traitement des déchets d'emballages. Par ailleurs, l'article R. 543-46 du code de l'environnement dispose que les metteurs sur le marché d'un produit sous éco-contribution sont tenus de contribuer ou de pourvoir à la gestion (et non à la seule collecte sélective et au tri) de l'ensemble du gisement concerné par la responsabilité élargie des producteurs. Enfin, le projet de cahier des charges assume un objectif optimal de 75% de recyclage (en raison du coût prohibitif qu'imposerait le captage des toutes dernières tonnes) et donc le non-recyclage assumé de 25% des déchets d'emballages".
Et de poser une question, avec un début de réponse : "comment dans ces conditions le ministère peut-il décemment présenter une évaluation du coût du gisement des emballages n'intégrant pas le coût des 25% d'emballages non recyclés évalué à près de 200 millions d'euros? Une telle décision « arbitraire » reviendrait à faire financer ce coût par les seules collectivités".

Avec une telle hypothèse de calcul et la nécessité de financer par ailleurs de nouveaux investissements pour le tri des déchets," le barème du MEEM prévoit des soutiens directs aux collectivités pour la gestion des déchets d'emballages de moins de 600 millions d'euros. Alors qu'une juste application de la REP respectant le cadre légal et une couverture des coûts de 80% devrait permettre de mobiliser environ 900 millions d'euros d'après l'Ademe. Une partie des coûts (TVA, TGAP, poids des souillures contenues dans les emballages usagés) n'est par ailleurs pas prise en compte".

Parmi les questionnements de l'association, pourquoi faire dans le punitif plutôt que l'incitatif?..." Alors que les collectivités ont permis d'atteindre 67% de recyclage des emballages ménagers, les simulations de l'association montrent qu'avec le barème proposé par le ministère la totalité des collectivités, urbaines comme rurales, performantes ou non, verraient leurs financements baisser en 2017, et ce malgré un dispositif de compensation permettant uniquement d'amortir sur les premières années la baisse des financements.
En effet, en minimisant l'enveloppe de financement de la filière dans le souci de ménager les entreprises qui paient le point vert, le ministère ne se donne aucune marge de manœuvre pour financer les nouveaux efforts d'extension du tri à tous les plastiques (gobelets, blisters, barquettes...) et la modernisation des équipements de tri des déchets. Celle-ci est pourtant nécessaire pour le pays avec des enjeux très importants en terme d'emplois locaux. Ce barème est d'autant plus injuste qu'il réduit drastiquement les soutiens à la valorisation énergétique des 25% d'emballages (principalement plastiques) qui ne seront pas recyclés
".
A l'inverse, la proposition de barème d'Amorce à 916 millions d'euros, soutenue par la plupart des associations françaises de collectivités, permet d'apporter de nouveaux financements pour le développement de l'économie circulaire. De plus, elle incite les différents acteurs à la maitrise des coûts à l'heure où les collectivités connaissent de lourdes baisses des dotations de l'État.

Amorce demande donc au MEEM," qu'elle a soutenu dans sa reprise en main du dispositif, de mettre en œuvre dans les plus brefs délais la nouvelle gouvernance de la filière assurant une plus forte représentativité des collectivités compétentes en matière de gestion des déchets. Elle appelle les élus locaux, les parlementaires, et les associations de collectivités à se mobiliser pour assurer un agrément « sans collectivité perdante » et réellement incitatif au développement et à l'optimisation du recyclage". Enfin, elle invite les autres acteurs, au premier rang desquels les entreprises contributrices au point vert et les éco-organismes, "à poser ensemble les bases d'un dialogue constructif, afin de favoriser la recherche d'un compromis basé sur un meilleur partage des points de vue plutôt que sur des postures de principe souvent stériles". Amorce conclut son argumentaire en rappelant que "la REP prélève une éco-contribution sur tous les produits, qui sont en grande partie importés, pour financer le développement d'activités de recyclage fortement génératrice de valeur  et d'emplois locaux"...