Déchets ivoiriens : l'addition augmente pour Trafigura

Le 18/06/2007 à 18:34  

Déchets ivoiriens : l'addition augmente pour Trafigura

Addition Claude Dauphin, Jean-Pierre Valentini, et le co-fondateur du groupe Trafigura Eric de Turckheim n'en ont certainement pas fini avec l'Etat ivoirien. En effet, le président Laurent Gbagbo s'est engagé d'une part à une juste indemnisation des victimes des déchets toxiques issus du Probo Koala, et d'autre part a confirmé " sa ferme volonté de réaliser toutes les opérations complémentaires de dépollution des sites". Or, c'est bien sur ce dernier point que l'addition risque d'être salée....Suite à une étude sur l'étendue de la pollution liée aux déversements des déchets toxiques du Probo Koala, si la nappe phréatique était atteinte, le coût de dépollution pourrait s'élever à la bagatelle de 360 millions d'euros supplémentaires. Alors, c'est bien un nouvel épisode financier qui commence suite au drame humain de la pollution du Probo Koala....

Souvenez-vous des déclarations d' Eric de Turckeim au mois de février dernier, alors que Trafigura venait de signer un chèque de 198 millions de dollars : "Nous n’avons aucune responsabilité dans cette affaire. Nous avons décidé de porter assistance à la Côte d’Ivoire parce que nous sommes une entreprise citoyenne et que nous entendons mener une action à long terme avec ce pays dans le domaine de la dépollution. Ensuite, nous avons signé un accord avec le gouvernement ivoirien pour mettre fin réciproquement aux actions judiciaires intentées entre nous. Mais nous considérons que nous ne sommes pas responsables de cette affaire de pollution ». (voir notre ancien rédactionnel)

Bel exercice de style : je n'y suis pour rien mais j'accepte de payer !! Et bien, l'été arrivant, il va peut-être falloir que Trafigura confirme son investissement en matière de dépollution. En effet, l'étude "Projet de dépollution du district d'Abidjan" réalisée par le Bureau national d'études techniques et de développement (BNETD), et par le Centre antipollution (Ciapol) ferait ressortir qu'il faut prévoir 61 millions d'euros pour le programme d'audit et travaux à réaliser sur cinq ans. Mais, " si la pollution de la nappe phréatique" de la région d'Abidjan, qualifiée de "risque important", était constatée, "le coût de traitement passerait à plus de 300 millions d'euros" sur les dix prochaines années précise le texte. Pour l'instant, les responsables de Trafigura auraient manifesté leur refus à cette participation financière, mais on voit mal comment ils pourraient rester sur cette position alors que l'addition d'indemnisation des victimes et de dépollution des sites augmente et qu'elle s'est bien engagée à "prendre en charge l'identification et la dépollution complémentaire des sites pouvant encore contenir des déchets".

Pendant ce temps, en Côte d'Ivoire, les victimes du Probo Koala n'ont pas encore été indemnisées et sont impatientes. Mais, en réponse et en fin tacticien, le Président Laurent Gbagbo leur assure d'un côté une juste réparation et les invite " au calme et à la sérénité", tout en affirmant aussi qu'il faut obtenir une indemnistaion conforme à l'ensemble des dommages occasionnés par le déversement des déchets toxiques du Probo Koala. Pour y parvenir, il faut faire preuve de rigueur et de transparence. Il ne faut rien oublier!! Et, qu'on les oublie.. c'est probablement le souhait des responsables de Trafigura. Par contre, il est certain les proches des victimes n'oublieront jamais !

Déclaration de la Présidence de la Côte d'Ivoire en date du 13.06.07

Jeudi, quelques jours après de nouvelles manifestations, le président ivoirien a invité les victimes "au calme et à la sérénité", affirmant "sa volonté de mener l'indemnisation avec rigueur et "transparence".

Les 19 et 20 août 2006, cinq cent vingt-huit (528) m3 de déchets toxiques acheminés par un bateau russe battant pavillon panaméen et dénommé "Probo Koala", affrété par la société "Trafigura Beheer DV", ont été déversés dans certaines communes du District d'Abidjan, sur vingt (20) points disséminés sur sept (07) sites.
Plus de cent mille (100 000) personnes ont été intoxiquées ; personnes au nombre desquelles, il faut compter soixante-seize (76) cas d'hospitalisation et déplorer seize (16) décès.
Le Président de la République, Son Excellence Monsieur Laurent Gbagbo, profondément ému par l'ampleur de la catastrophe a, pour marquer sa volonté dictée par son devoir de responsabilité, requis, négocié et obtenu une réparation globale des dommages causés aux populations du District d'Abidjan et à l'Etat de Côte d'Ivoire.
La réparation globale obtenue est un acquis considérable pour l'Etat de Côte d'Ivoire et ses populations. Elle permet une rapide et bénéfique indemnisation des sinistrés, prenant en compte les dimensions matérielles, environnementales et morales des préjudices subis.
Si l'on se réfère aux temps pris pour le règlement des contentieux relatifs aux catastrophes du même genre comme celles de l'Erika en France, de l'Amoco Cadis en Amérique Latine et de Tchernobyl en ex-URSS, l'Accord signé par le Président de la République est satisfaisant parce qu'il lie la rapidité à l'action réparatrice.
Le Président de la République tient à souligner qu'en signant le protocole d'accord du 13 février 2007, entre l'Etat de Côte d'Ivoire et la société "Trafigura Beheer BV", il visait quatre (4) objectifs essentiels:
- témoigner de sa profonde compassion aux victimes et à leurs familles;
- atténuer les douleurs atroces des populations qui ont subi des préjudices;
- prendre les mesures vigoureuses visant à garantir l'indemnisation conséquente des victimes;
- prévenir les effets néfastes futurs du sinistre actuel et les catastrophes éventuelles de même nature.
Conformément à la volonté clairement exprimée par le Chef de l'Etat de prendre personnellement en main la gestion du dossier, il a mis en place une structure dénommée "Cellule présidentielle chargée du suivi des catastrophes naturelles et humaines".
En liaison avec les collectivités territoriales sinistrées, les associations et organisations des victimes, cette cellule a procédé à une évaluation scientifique normalisée et objective des dommages et autres dégâts causés. Cette démarche a abouti à l'élaboration d'un "Plan stratégique d'indemnisation et de suivi des victimes".
C'est ce plan stratégique qui fixe le cadre de référence des interventions de l'Etat; notamment en matière d'indemnisation juste et équitable des victimes et de prévention des risques liés à la catastrophe. Il détermine en particulier la procédure générale d'indemnisation qui comprend:
- l'identification des victimes (recensement, catégorisation, classification, etc.) ;
- l'évaluation individuelle des sinistres (valeur des dégâts, approche légale, montant des indemnisations, etc.);
- les modalités de l'indemnisation (mise en place du dispositif d'indemnisation, décentralisation des guichets, dates de paiement, etc.).
Ces différentes opérations demandent une patience imposée par le souci de travailler dans la minutie et la transparence pour éviter les omissions et les inscriptions multiples. Cette tâche est d'autant plus ardue que les associations des victimes naissent chaque jour, se déclarent à la Cellule présidentielle et soumettent de nouvelles listes de victimes. Dans ces conditions, il devient indispensable de confronter ces nouvelles listes à celles communiquées par les différents centres hospitaliers.
Par ailleurs, ces retards sont dus aux difficultés rencontrées par la Cellule pour collecter les informations permettant d'identifier les victimes en vue de l'établissement de listes fiables des personnes à indemniser, les dossiers présentés par celles-ci étant dans la majorité des cas, incomplets.
Aujourd'hui, le délai de réception des dossiers des victimes ayant expiré, la liste définitive devant servir à l'indemnisation a été arrêtée.
Compte tenu de la nature des dommages causés aux différentes victimes;
Eu égard aux engagements financiers déjà pris par le gouvernement pour faire face aux problèmes immédiats posés par cette catastrophe; conformément aux dispositions légales et réglementaires nationales en matière de sinistre, le Président de la République annonce les modalités d'indemnisation suivantes:
I. L'indemnisation des dommages subis par l'Etat de Côte d'Ivoire;
II. L'indemnisation des dommages subis par les collectivités territoriales et les communautés villageoises;
III. L'appui aux structures d'intérêt national;
IV. La couverture des dommages économiques;
V. L'indemnisation des victimes humaines.
Cette réparation des préjudices causés par la catastrophe des déchets toxiques est possible aujourd'hui, grâce à la sollicitude, à l'engagement et à l'implication personnelle du Président de la République qui poursuivait les objectifs suivants:
- l'aide diligente aux populations sinistrées;
- les mesures d'indemnisation conséquente;
- la prévention des effets pervers du sinistre actuel et les catastrophes du même genre.
Le Président de la République rappelle à tous, sa ferme volonté de réaliser toutes les opérations complémentaires de dépollution des sites pouvant encore contenir des déchets se rapportant aux évènements passés.
Le Président de la République, conformément au point (2.4) du chapitre relatif aux engagements des parties "Trafigura Beheer BV" du protocole d'Accord, envisage dès à présent la construction de l'unité de traitement des déchets ménagers dans le District d'Abidjan.
Le Président de la République réitère toute sa compassion aux victimes et renouvelle ses condoléances les plus attristées aux familles endeuillées.
Le Président de la République informe les populations que le calendrier relatif à l'opération d'indemnisation sera publié dès son retour à Abidjan.
Le Président de la République invite toutes les populations au calme et à la sérénité. Il les rassure sur sa volonté de mener l'opération d'indemnisation avec toute la rigueur et la transparence nécessaires. A cet effet, il prend l'engagement de s'impliquer personnellement dans la validation des listes des personnes morales et physiques à indemniser, des taux d'indemnisation et dans le suivi du paiement effectif des réparations aux ayants droit.
Le porte-parole Gervais Coulibaly-Delpinpelna