Environnement : de la nécessité de contrecarrer la criminalité

Le 11/11/2015 à 20:18  
Environnement:de la nécessité de contrecarrer la criminalité
droit de l'environnement La conférence internationale « Sécurité et Crimes contre l’environnement » qui a réuni à Nîmes les 9 et 10 novembre 2015, à l’initiative d’Interpol, de Nîmes Métropole et de FITS, de nombreux acteurs engagés dans la lutte contre la criminalité environnementale internationale, a été l’occasion pour les participants de lancer un appel afin que les décideurs prennent les mesures qui s’imposent, qui viseront à mettre en oeuvre des règles à appliquer avec rigueur, pour endiguer ce fléau…

 Les autorités publiques, politiques, administratives ou judiciaires, juristes, services de police, acteurs économiques, organisations non gouvernementales et membres de la société civile engagés dans la lutte contre la criminalité environnementale internationale, ont confirmé, au cours des deux journées qu’ils ont consacré à ce fléau, « la progression sans précédent des activités illicites comme le trafic d’espèces protégées de faune et de flore, le trafic de déchets, la pêche et la déforestation illégales, et les profits considérables tirés de ces crimes estimés aujourd’hui entre 70 et 213 milliards de dollars par an », soit la quatrième source de revenus illégaux pour le crime organisé. Une matinée préalable avait déjà eu lieu il y a quelques semaines de cela, réunissant de nombreux acteurs concernés, afin de poser la problématique (voir  Criminalité environnementale : la riposte s'organise).

Les participants à ce grand rendez-vous international qui s’est déroulé en France, n’ont pas manqué de souligner « le faible risque de poursuites et de sanctions encouru par les auteurs de ces crimes contre l’environnement » et d’insister que les « liens étroits et croissants entre la criminalité environnementale et les autres formes de criminalité internationale telles que la criminalité transnationale organisée, les trafics illicites, le blanchiment d’argent ou encore la corruption ».
Il suffit pour s’en convaincre, de se référer aux résolutions adoptées par l’Assemblée Générale d’Interpol (cf : « La réponse d’Interpol aux nouvelles menaces en matière de sécurité environnementale» (2014) et « Pérenniser le Programme sur les atteintes à l’environnement » (2010) qui exhortent les pays membres à prendre les mesures nécessaires pour agir contre le crime environnemental, et le Rapport « La crise de la criminalité environnementale », Pnue/Interpol, 2014), mais également le projet stratégique d’Eurojust de novembre 2014 sur le crime environnemental selon lequel les Etats ne prennent pas suffisamment au sérieux ce genre de crime et qui invite à renforcer la coopération des autorités nationales dans la lutte contre le crime environnemental au regard de l’importance des enjeux en présence…
Se basant sur les travaux existants, dont les Etats devraient tenir compte (*) et après deux jours de débats intenses, les congressistes ont formulé un appel structuré suivant cinq axes prioritaires destiné à encourager les décideurs à adopter les mesures qui s’imposent.

Pour ce faire il s’agira d’encourager les États à promouvoir la recherche, l’éducation et la sensibilisation du public aux crimes environnementaux, mais aussi à inciter les acteurs économiques à s’associer aux efforts de protection de l’environnement et à intégrer la prise en compte du développement durable et des risques liés à ces agissements criminels, par la mise en place de plans de vigilance ou encore par la mise au point de techniques de sécurité et d’instruments adaptés à la détection de ces crimes et à la réparation de leurs effets sur l’environnement.
Pour une meilleure efficacité, les participants relèvent qu’il sera impératif de « renforcer les échanges d’informations entre États et institutions régionales et internationales compétentes dans le domaine de la lutte contre la criminalité environnementale, afin de détecter et de traiter plus facilement les criminalités croisées, mais aussi d’établir des outils statistiques et comparatifs adaptés pour mesurer cette criminalité à l’échelle nationale, régionale et internationale afin d’identifier les bonnes pratiques en terme de protection et d’effectivité ». Ces actions devront être encouragées par des mesures spécifiques de lutte contre la corruption et par le renforcement de l’expertise des professionnels de police, de douane et de justice en charge de l’anticipation, de la détection et de la poursuite de ces crimes.

Pour l’obtention de meilleurs résultats, il s’agira de « persévérer sur la voie de la coopération internationale, notamment douanière, policière et judiciaire, dans la lutte contre la criminalité environnementale, sur le modèle des mécanismes de coopération et d’entraide applicables à la corruption et à la criminalité transnationale organisée et créer des groupes de travail inter-institutions et inter-étatiques spécialisés en matière de crimes environnementaux transnationaux, tels que les Groupes d’appui nationaux pour la sécurité environnementale (NEST) mis en oeuvre par Interpol ». Sans compter qu’il serait on ne peut plus opportun « de clarifier et harmoniser les incriminations et les sanctions pénales prévues pour ce type de crimes à l’échelle internationale pour lutter contre le phénomène de dumping environnemental ».

Traquer les criminels supposera la mise en œuvre de sanctions dignes de ce nom, ce qui passera par « le développement de la justice restaurative à l’égard des victimes (mesures de remise en état, dommages et intérêts, programmes de conformité, provisionnement d’un Fonds d’indemnisation pour l’environnement et la santé publique…), étant entendu qu’il faudra « faciliter l’accès des victimes à la justice, en élargissant leur droit d’accès à l’information et leur droit de participer à la prise de décisions en matière environnementale tel que le prévoit la Convention d’Aarhus (1998), et en impliquant la société civile dans la mise en oeuvre des poursuites pénales ».

Il est regrettable d’avoir à constater que des textes répressifs nationaux, régionaux et internationaux en matière de crimes et trafics environnementaux existent ; sauf qu’ils ne sont guère appliqués… Il serait donc souhaitable en tout état de cause, de modifier la législation nationale pour reconnaître la gravité intrinsèque des crimes contre l’environnement , mais aussi « d’encourager les États à ériger les crimes environnementaux commis par des réseaux criminels organisés en infractions graves au sens de la Convention de Palerme (2000) pour permettre le recours aux techniques d’enquête et d’investigation spécifiques telles que les infiltrations, les écoutes, et la surveillance électronique ». Et puis, parce que taper dans le porte monnaie paye toujours, il sera absolument nécessaire de « prévoir des quantums de peine suffisamment dissuasifs et proportionnés pour réduire drastiquement les profits susceptibles d’être tirés de la commission des crimes environnementaux, par le biais de sanctions pénales et administratives » effectives et efficaces.

Les congressistes ont conclu leurs travaux en rappelant qu’il sera impératif « de faire une évaluation des progrès accomplis et du chemin restant à parcourir en termes de compréhension du phénomène de la criminalité environnementale et de développement des moyens de lutte, notamment par la réunion régulière des décideurs et la publication périodique d’un état des lieux en la matière ».
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(*) Déclaration Universelle des droits de l’Humanité remise au président de la République française par la Mission Lepage le 25 septembre 2015 qui rappelle que la protection de la planète est un enjeu vital pour les générations actuelles et futures, la Déclaration de Paris (ParisClimat2015 – Objectif océan) du 8 juin 2015 qui souligne la nécessité impérieuse de protéger les océans des conséquences néfastes des activités humaines et de la Déclaration de Lyon (Sommet mondial Climat et Territoires) du 2 juillet 2015 qui en appelle à une responsabilité globale d’acteurs étatiques et non-étatiques dans la lutte contre le dérèglement climatique, la Résolution adoptée par l’Assemblée Générale des Nations Unies le 30 juillet 2015 sur la « surveillance du trafic des espèces sauvages », qui « encourage les États Membres à adopter des mesures efficaces pour prévenir et combattre le grave problème que constituent les crimes qui ont une incidence sur l’environnement », le Plan d’action de l’Union européenne de juillet 2015 contre le trafic d’espèces sauvages qui déplore le caractère trop fragmenté des réponses apportées aux trafics, que ce soit à l’échelle de l’Union européenne ou à l’échelle internationale, en raison d’une prise de conscience insuffisante face à la gravité des enjeux.