Europe : la bataille du recyclage est loin d’être gagnée

Le 03/04/2012 à 11:13  

Europe : la bataille du recyclage est loin d’être gagnée 

Poubelles Eurostat, l’agence européenne de statistiques a publié récemment ce qu’elle fait de mieux, c’est-à-dire des statistiques, sur les dernières « avancées » en matière de traitement de déchets. Le moins que l’on puisse dire c’est que l’on est globalement encore bien loin des objectifs, notamment en termes de recyclage des déchets municipaux fixés par la Directive de 2008 et qui prévoit qu’en 2020, 50 % des déchets des ménages ne devront être plus être enfouis ni incinérés dans cette belle construction imaginaire baptisée la société européenne du recyclage.

 En 2010, 38 % des déchets municipaux européens ont été enfouis, 22 % ont été incinérés, 25 % recyclés et 15 % compostés. Pas la peine de recompter, on arrive bel et bien à 100% (voir en complément Déchets européens : encore trop de mise en décharge).

Pas tous égaux devant les déchets
Tous les pays d’Europe ne sont pas soumis aux mêmes régimes fiscaux. Et tous les pays d’Europe ne produisent pas, en moyenne, la même quantité de déchets municipaux.. Le champion en la matière, c’est Chypre avec 760 kg par personne. Serait-ce l’insularité qui explique ce joli record ? On trouve ensuite le Luxembourg à 678 kg (qui n’est pas une île, bien que ce soit un paradis fiscal), le Danemark et l’Irlande dont la production de déchets municipaux se situe dans une fourchette de 600 à 700 kg. Entre 500 kg et 600 kg, on trouve une petite dizaine de pays dont la France à 532 kg /hab. Sous la barre des 500 kg, on rencontre des pays aussi différents que la Finlande, la Belgique, la Suède, la Grèce, la Slovénie et la Hongrie et la Bulgarie. Et puis on trouve les champions de la prévention sous les 400 kg par tête Lituanie, Roumanie, Slovaquie, République Tchèque, Pologne, Lettonie et Estonie. Et là, on peut dire « bravo l’Estonien » qui ne produit que 311 kg par an de déchets municipaux par hab. Pour répondre par avance aux quelques grincheux jaloux qui nous lisent et qui commenceraient à jouer sur le terrain de la pluviométrie en soupçonnant les déchets estoniens d’être plus secs et donc moins lourds, on a calculé que les habitants de Tallin, capitale de l’Estonie comme chacun le sait, se prenait en moyenne 50 mm de précipitations par mois sur le nez, ce qui ne fait pas de l’Estonie un pays particulièrement sec. Et on se dit ici que c’est heureux que ces pays nous aient rejoints au sein de l’Union pour faire baisser un peu la moyenne de production de déchets parce qu’on serait resté à 6 ou même à 12, bonjour les dégâts (en termes de moyenne de production de déchets).

Recyclage et compostage
Centre de compostage Le taux moyen de recyclage des déchets des ménages se situe en Europe à 25 %. Des pays comme l’Allemagne qui recycle 45 % de ces déchets, la Belgique (40 %), la Slovénie (39 %), sont à peu près les seuls susceptibles d’être dans les clous en 2020. Ce sera plus difficile pour la Suède, (36 %), l’Irlande (35 %) et pour les Pays-Bas (33 %). Quant à la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, Malte, la Roumanie, la Slovaquie, leur taux de recyclage des déchets municipaux se situant en 2010 au-dessous de 10 %, ce n’est pas la peine d’espérer. Quant à la France, on n’y croit à peine, le taux de recyclage des déchets municipaux n’atteignait même pas les 20 % en 2010, seulement 18. Pourtant, il n’y a pas de statistiques là-dessus, mais on est surement en France les champions de la REP et de l’éco-organisme réunis : il en existe pour pratiquement tous les flux de déchets maintenant dans notre beau pays. « Il n’y a pas forcément corrélation » me souffle-t-on dans l’auditoire. Effectivement, la preuve est là. Et puis en 2010, on n’avait pas encore les meubles, les Dasri et peut-être même pas les papiers. Alors, rendez-vous aux nouvelles statistiques pour mesurer l’efficacité des nouveaux venus de la REP en France. Avec ce taux de 18 % de taux de recyclage, on se retrouve au 13ème rang du classement européen en matière de recyclage à égalité avec la Hongrie et la Pologne. Et on écrase à plates coutures la Grèce qui ne recycle que 17 % de ses déchets municipaux. A tous les pays qui sourient de ces résultats assez moyens, il n’y a qu’une chose à dire : attendez que le Grenelle ait donné ses pleins effets et vous sourirez peut-être un peu moins.

Compost : aussi bien que…
60 % des déchets produits par les municipalités en Europe sont des déchets organiques. Malgré les recommandations récentes du Parlement Européen pour réduire les déchets alimentaires et la mise en décharge de déchets organiques, 15 % seulement de ceux-ci seraient compostés sur l’ensemble du territoire européen. Dans ce domaine, c’est l’Autriche que l’on trouve sur la plus haute marche du podium : 40 % de ses déchets sont compostés. Sur la marche du dessous, les Pays-Bas affiche 28 % de taux de compostage. La France composte 17 % de ses déchets. On n’est pas les derniers. On est au 7 ème rang européen et à égalité avec qui, je vous le donne en mille… avec l’Allemagne. Pour une fois que l’on fait aussi bien que l’Allemagne dans un domaine, cela vaut la peine d’être souligné. Que cela ne refroidisse pas l’enthousiasme de ceux qui sont en train de se creuser les méninges sur la façon dont on pourrait coller une petite écotaxe (c’est le principe même de l’écotaxe : petit montant, grande assiette) sur les pommes de terre, carottes, poireaux, pommes (qui font un fameux compost) et autres poires dont les épluchures encombrent nos décharges et font baisser le PCI de nos OM.

La décharge a toujours la cote
DéchargeLes chiffres d’Eurostat montrent en effet que des « vieux pays européens » comme la Grande-Bretagne et la Finlande enfouissent encore près de la moitié de leurs déchets : en matière de recyclage, ils sont loin des premiers de la classe.
 Quant à l’Irlande, le Portugal, l’Espagne et la Grèce, c’est plus de la moitié de leurs déchets que ces pays enfouissent. Ce n’est pas pour dire du mal, ce n’est pas notre genre, mais la Grèce ne semble pas plus douée en matière de gestion des déchets qu’en matière de maîtrise des finances publiques. Comme un malheur n’arrive jamais seul, pour les Grecs en particuliers, la Commission européenne les a alignés au mois de janvier dernier, tout comme leurs voisins de Chypre après avoir identifié un certain nombre de décharges plutôt mal entretenues mettant en danger la vie des oiseaux, des tortues et de quelques autres animaux sauvages.
 Les enquêteurs de la Commission auraient également relevé en Grèce des opérations d’enfouissement illégales, du style mise en décharge de produits dangereux. N’en jetez plus…Ce n’est pas terrible chez les « vieux européens », mais chez les nouveaux ça ne flirte pas plus avec la perfection. On n’est tranquille de ce côté-là, ce ne sont pas les nouveaux entrants en Europe qui vont nous donner des leçons. Dans le domaine du respect de la hiérarchie du traitement des déchets, établie par la Directive de 2008, (prévention, réemploi, recyclage, incinération, enfouissement), les meilleurs sont …les Bulgares. Pas de quartier en Bulgarie, la totalité des déchets des municipalités sont enfouis en décharge. Allez parler de la REP (responsabilité élargie du producteur) à un Bulgare et il vous explose de rire au nez. A Malte, (évidemment, c’est en Europe !), là non plus ils n’ont pas eu le temps de lire la Directive de 2008 et ils continuent à enfouir 86 % de leurs déchets. En matière d’enfouissement, la Roumanie (99 %) et la Lituanie (94 %) et la Lettonie (91 %) ne sont pas loin des scores de la Bulgarie et de Malte.
 Et la France ? Et la France ? Sur ce terrain-là, il faut dire ce qui est, on n’est pas mal du tout. 31 % des déchets municipaux, on pourrait dire seulement sont enfouis en France. De plus, nous sommes certains d’un truc : ce ne sont là que des déchets ultimes, c’est la loi qui veut ça. Bien sûr, il y a des petits malins comme l’Allemagne, les Pays-Bas qui mettent 0 % de leurs déchets en décharge, des moins malins mais tout de même assez crâneurs comme l’Autriche et la Suède et la Belgique qui font 1 % sur ce tableau-là et on pourrait mettre dans le même sac le Danemark qui fait 3 %, mais « il faudrait regarder de près comment sont établies les statistiques de ces pays, moi, je vous le dis ... ». On insiste, on n’est pas mal en France parce que finalement entre ces « champions » de la décharge et nous, il n’y a que le Luxembourg qui vient s’immiscer avec son 18 %. La bande des 5 qui est détachée, le Luxembourg et puis nous, tout de suite après pratiquement en tête du peloton.

En matière d’incinération, certains qui faisaient les malins..
Incinérateur …en matière de mise en décharge la ramène un peu moins quand on leur parle incinération. C’est le cas du Danemark qui incinère 54 % de ses déchets municipaux. C’est un peu facile dans ce cas de n’en mettre que 3 % en décharge surtout si on en recycle 23 % et qu’on est au 5ème rang des composteurs européens. Les Suédois, c’est la même chose, ils n’incinèrent pas mois de 49 % de leurs déchets et comme ils en recyclent 36 % et en compostent 14 %, la mise en décharge, chez eux, c’est « peanuts ». Sur le podium de l’incinération européenne et sur la 3ème marche, on trouve les Pays-Bas qui incinèrent 39 % de leurs déchets. Quant à la France, elle se place au 6ème rang en termes de pourcentage de déchets incinérés et il n’y a pas beaucoup de commentaires à faire sur ce chiffre.

L’environnement… pas seulement
On pourrait croire que si l’Europe est aussi attachée à l’application de sa directive européenne, c’est parce que ses dirigeants rêvent d’une Europe parfaitement « clean » sur le plan environnemental, où il ferait bon vivre et tout et tout. Il y a sans doute quelques poètes parmi nos dirigeants européens mais il n’y a pas que cela. La Commission européenne qui est économe par essence a surtout calculé que la bonne application de la Directive permettrait d’économiser 72 milliards d’euros par an. Ce n’est pas tout à fait négligeable dans une zone économique qui ne flambe pas question money. On vous voit venir, vous vous posez déjà la question de savoir dans les poches de qui iraient ses 72 milliards économisés. On vous répondra que la question est tout simplement...