Gardanne : une centrale biomasse qui dérange

Alors que le chantier de la centrale biomasse la plus grande de France (250 millions d'euros injectés) était quasi terminé, sa mise en marche, programmée fin 2016, était déjà contestée (par les écologistes, des scientifiques et des collectivités voisines). Pour débuter, il était prévu d'importer 55% du bois nécessaire à l'exploitation, tandis que 45% proviendraient de ressources locales, dont 60% issus de recyclage et de l'élagage et 40% de bois forestiers. Un coup dur a été porté au porteur du projet: le tribunal administratif de Marseille a annulé ce 8 juin, l’autorisation préfectorale délivrée en 2012 pour cette centrale qui devait couvrir 6 % des besoins en électricité de la région Paca. Le groupe allemand qui a toutefois obtenu de l’État le droit de continuer à la faire fonctionner provisoirement, a décidé de faire appel.
Historiquement, la Centrale thermique de Gardanne produisait de l’électricité grâce au charbon extrait des mines. Héritage des Charbonnages de France, une reconversion du site était prévue, à savoir passer à la biomasse dans le cadre de la loi « Grenelle 1 », dont l’objectif est de porter la part des énergies renouvelables à au moins 23%. En février 2012, EON (la société mère d’Uniper), obtient par arrêté ministériel, l’autorisation d’exploiter l’installation et de produire de l’électricité en utilisant de la biomasse. Le 29 novembre de la même année, le préfet des Bouches du Rhône signe un arrêté autorisant l’exploitation de cette même centrale. Concrètement, deux cent cinquante millions d'euros ont été investis par le groupe énergétique allemand pour concrétiser ce projet sur le terrain : transformer l'unité 4 de la centrale à charbon en centrale biomasse, avec en perspective la combustion de 850 000 tonnes de bois et déchets verts pour obtenir une puissance de 150 MW. La filiale Uniper, désormais indépendante, a pris la suite...

Si le plan d'approvisionnement a été revu à la baisse, la montée en puissance au fil du temps laisse perplexe et ne manque pas d'inquiéter, là encore, quand bien même l'Etat soutient la démarche de cette centrale au nom de la transition énergétique.


Le 27avril dernier, il était acté (devant le tribunal administratif de Marseille) que le rapporteur public Gilles Fedi, se positionnait en faveur de cette annulation de l’arrêté préfectoral du préfet des Bouches du Rhône, au motif principal de l’insuffisance de l’étude d’impact (aucune analyse sur le long terme des effets négatifs et positifs sur l’environnement, les paysages, l’approvisionnement, ni sur la production de bois).
Selon le Rapporteur Public, la tranche biomasse de la centrale consomme 1800 tonnes de bois par jour. Il déplore que « …L’étude initiale ne dit rien sur les rotations quotidiennes des poids lourds, on nous dit 250 par jour… » « …L’évaluation du projet d’exploitation n’a pas été présenté à la population… » « …l’information complète à la population concernant les effets de l’exploitation n’a pas été respectée… » « …l’insuffisance de l’étude d’impact a eu pour effet de nuire à l’information du public… » « …Par ces motifs nous demandons l’annulation de l’arrêté du Préfet des Bouches du Rhône du 29 novembre 2012. »... « …Par ces motifs nous demandons l’annulation de l’arrêté du Préfet des Bouches du Rhône du 29 novembre 2012 »...
En face, la partie adverse n'a pas manqué de souligner l'importance de l'investissement réalisé, et l'impact sur l'emploi dès lors que la réalisation du projet serait remise en cause, insistant par ailleurs sur le respect des textes en vigueur : « … nous avons fait l’étude d’impact qui était applicable à l’époque, nous avons scrupuleusement respecté la législation… »...

Dès le lendemain, vendredi 9 juin, Uniper a annoncé son intention de faire appel de cette décision, pour laquelle le groupe allemand a toutefois obtenu de l’État le droit de continuer à la faire fonctionner provisoirement.
Les juges reprochent au groupe de n'avoir étudié l'impact du projet que dans un périmètre de trois kilomètres, alors que la centrale prévoit de brûler du bois coupé dans un rayon de plusieurs centaines de kilomètres. Ils jugent également que les dégâts sur l'environnement des camions qui alimenteront la centrale en bois et la pollution atmosphérique (particules fines, dioxines, CO2) n'ont pas été correctement pris en compte.
« Nous rappelons que nous avons répondu à un appel d’offres lancé en 2010 par l’État qui a validé notre plan d’approvisionnement », a réagi vendredi dans un communiqué Luc Poyer, président d'Uniper France. « S’agissant de l’étude d’impact, celle-ci a été réalisée conformément aux textes applicables et comporte bien une analyse de l’état initial et des effets indirects du projet sur le site et de son environnement » (…) Dans ce contexte, l’entreprise exprime sa surprise devant cette décision très pénalisante pour elle, ses salariés et plus généralement pour l'économie locale et ses emplois », conclut le dirigeant, dénonçant un « coup dur pour les énergies vertes » en France.
Dès vendredi 9 juin, le préfet des Bouches-du-Rhône a quant à lui, donné dans un arrêté, un mois à l'industriel pour dire s'il veut continuer d'exploiter le site ou cesser son activité. Uniper se voit offrir, au total, un délai de neuf mois pour constituer une nouvelle demande d'autorisation.
