Grenelle : Quand Dominique doute de Nathalie...

Le 19/11/2007 à 17:57  

Grenelle : Quand Dominique doute de Nathalie...

Dominique Voynet Vouloir c'est bien, Avoir les moyens c'est nécessaire, et bien Faire c'est mieux...Voici en bref les propos et les doutes de Dominique Voynet lorsqu'elle interroge, dans le cadre du Sénat, sur le Grenelle de l'environnement Nathalie Kosciusko-Morizet. En réponse, cette dernière déclare qu'une "grande bataille commence aujourd'hui - des chantiers, des programmes, des lois - et que nous la gagnerons ensemble". Alors attention... Il va falloir être déterminé, vigilant, et persévérant pour que la rupture annoncée se concrétise. Finalement la chasse au conservatisme, aux bonnes vieilles habitudes de ne rien déranger, vient juste d'ouvrir...

La véritable interrogation qui plane toujours sur le Grenelle de l'environnement, c'est bien de savoir si les responsables gouvernementaux parviendront à changer les mentalités, les conceptions et insuffler une dynamique pour un nouveau comportement des acteurs politiques, et économiques. Il faut pour cela vaincre les conservatismes qu'ils soient de droite ou de gauche, du côté des producteurs ou des consommateurs... La marge de manœuvre semble étroite ( voir la réponse de Nathalie Kosciusko-Morizet ci-dessous à propos du financement) . De plus, c'est un exercice difficile qui nécessite bien des talents.

En attendant tous ceux qui ont été ces dernières années acteurs et décisionnaires au sein des filières de gestion de l'environnement ne doivent pas oublier que fondamentalement ils ont échoué à réduire la quantité de déchets, à modifier radicalement le comportement des producteurs, des consommateurs. Et l'addition de l'environnement n'a cessé d'augmenter. Alors, sans condamner les actions du passé, chaque décisionnaire ne doit-il pas prendre conscience que le Grenelle est une véritable opportunité de changement qu'il doit déjà commencer à s'imposer à lui-même ?

Question de Dominique Voynet au Ministre d’Etat chargé de l’Ecologie en date du 15 novembre 2007

Le Grenelle de l’Environnement s’est terminé, le 25 octobre dernier, sur une impressionnante série d’annonces. Le Président de la République s’est engagé.

Mais qui faut-il croire ? Le Président de la République qui admet, en conclusion du Grenelle, que l’Etat a eu tort de se désengager du développement des transports urbains, ou le même, qui confirme aux maires de grande ville, à Grenoble ou à Strasbourg, que le « grand contournement routier » pour lequel ils font depuis si longtemps le siège des ministères, sera tout de même réalisé ?

Qui faut-il croire ? Le Président de la République qui, en clôture du Grenelle, dit qu’il ne veut pas créer de nouveaux sites nucléaires ou le même qui annonce la construction d’un nouvel EPR, lors d’une visite surprise à Penly ?

C’est ma première question, Monsieur le Ministre d’Etat : Qu’est-ce-qui fait foi ? Les engagements solennels du 25 octobre ou les annonces faites depuis, en ordre dispersé ?

Les conclusions du Grenelle, qui insistent sur la nécessité de réduire rapidement les émissions dues au transport aérien, ou la promesse de développer le low cost, faite moins d’une semaine plus tard ? Un seul aller-retour en avion Paris-Ajaccio génère 540 kg de dioxyde de carbone. Le même trajet, en TGV, puis en ferry, émet 50 fois moins de carbone.

Où est le courage, où est la rupture quand, à la hausse des prix des hydrocarbures, qu’on sait durable, on répond une fois de plus par des subventions à la consommation, qui ne font que retarder encore l’adoption de solutions de fond ?

Où est la cohérence, où est la rupture quand on proclame que c’en est fini de l’absurde logique de l’incinération des déchets ménagers, mais qu’aucun des projets existants n’est remis en cause, ni à Fos-sur-Mer ni ailleurs ?

C’est toute la difficulté de l’exercice, Monsieur le Ministre : les tiroirs sont plein de vieux projets – autoroutes, rocades, incinérateurs, agro-carburants - à la fois coûteux et inadaptés à la nouvelle donne écologique et énergétique.

Si on cède à la force de l’habitude, si on consacre les marges budgétaires dont on dispose à financer les mauvais projets d’hier, comment espérer que les politiques plus adaptées, qui parient sur l’évolution des comportements et des habitudes de consommation, sur l’engagement des entreprises, sur des solutions techniques plus sobres, puissent se concrétiser ?

Je souhaite que vous réussissiez. Pour ça, il faut trois ingrédients. La volonté. Vous l’avez. La cohérence. Elle n’est pas, pas encore, au rendez-vous. Les moyens budgétaires. Ils sont inexistants. Sur ce point aussi, Monsieur le Ministre, votre réponse est indispensable."

Réponse de Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie.

" Madame la sénatrice, la révolution écologique a commencé, le Président de la République a été très clair ! Nous allons vers une révolution dans nos façons de penser, dans nos politiques et dans nos objectifs. La volonté est là, je vous remercie de nous en donner acte.

Jean-Louis Borloo et moi-même, sous l'autorité du Premier ministre, nous sommes totalement engagés à transformer les engagements du Grenelle en programmes : programme sur le logement neuf, avec la transition vers les logements à énergie positive qui produisent plus d'énergie qu'ils n'en consomment ; programmes en matière de rénovation thermique, de transports propres, d'agriculture biologique. Bref, nous voulons faire des engagements du Grenelle de l'environnement une réalité.

Chacun de ces thèmes, qui sont autant d'engagements, fait l'objet d'un comité de pilotage. Nous sommes en train de mettre en place ces comités ; ils commenceront à travailler avant le 15 décembre. Ils seront bientôt complétés par les comités sur les déchets et sur l'éducation à l'environnement, car nous avons donné quelques semaines de plus aux participants sur ces sujets.

Vous m'interrogez sur la cohérence. La cohérence, c'est celle du projet présidentiel, des engagements tenus ! Le Grenelle de l'environnement est un engagement tenu : il avait été promis aux associations environnementales au mois de mars par le Président de la République, lorsqu'il n'était que candidat.

A également été créé un grand ministère qui regroupe, sous l'autorité du ministre d'État, non seulement l'écologie, le développement et l'aménagement durables, mais aussi les transports, l'énergie. Vous qui avez été ministre de l'environnement, vous savez que c'est une garantie de cohérence. L'environnement a été trop longtemps l'otage de batailles entre administrations qui n'arrivaient pas à se mettre d'accord et qui aboutissaient à des arbitrages défavorables.

Vous m'interrogez aussi sur les moyens financiers. Pour des raisons de calendrier, tout le monde le comprendra, il n'a pas été possible d'intégrer l'impact financier du Grenelle de l'environnement dans le projet de loi de finances pour 2008.

En revanche, le budget respecte totalement les principes du Grenelle de l'environnement : priorité à l'écologie, avec une augmentation de 25 % du budget concernant l'écologie ; priorité, également, au report modal. Nous travaillons activement avec Dominique Bussereau à la réalisation de ces engagements.

Sur le fond, avant d'être une dépense, l'environnement est d'abord un investissement, et c'est l'un des plus rentables aujourd'hui. La rénovation thermique, par exemple, représente 100 000 emplois non délocalisables, pour une économie de 40 % des consommations énergétiques du bâtiment.

Mme Nicole Bricq. À long terme !

M. le président. Veuillez conclure, madame la secrétaire d'État.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Pour le reste, il appartiendra à l'État de financer les incitations nécessaires et d'amorcer les mécanismes vertueux pour atteindre les objectifs du Grenelle de l'environnement. Bien sûr, cela aura un coût, qui sera apprécié à l'issue du travail technique.

Comme l'a rappelé le Président de la République, il ne s'agit pas d'alourdir la fiscalité et les charges qui pèsent déjà sur les Français ; le financement proviendra en priorité des contrats de partenariat et des contrats de performance énergétique.

Bref, une grande bataille commence aujourd'hui - des chantiers, des programmes, des lois - et nous la gagnerons ensemble. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)"