Le compost de Teddy : un cas, à partir de caca...

Le 03/10/2011 à 11:44  
Le compost de Teddy : un cas, à partir de caca...
bouse Il y encore deux ans Teddy vendait de la moquette. Aujourd’hui, comme il le dit lui-même : « ne tournons pas autour du pot, je fabrique un produit à partir de merde ». Eh oui, cet homme transforme les bouses de son beau-père en or brun du jardinier ! … Telle est l'histoire qui nous est contée par le consultant en développement durable et maître-composteur Jean-Jacques Fasquel...


Teddy Stray était effectivement jusqu’en 2008 vice-président du géant Shaw, en charge des comptes-clés de cette marque de moquette. Teddy n’en était pas moins un perdreau de l’année en terme de développement durable puisqu’il faisait partie de la Shaw Green Team et portait la bonne parole de la responsabilité sociétale de son entreprise, notamment de ses avancées dans le Cradle to Cradle (du berceau au berceau). Parallèlement, son beau-père Bob Giacomini élève en Californie depuis 50 ans dans sa ferme conduite en bio des vaches laitières dans la baie de Tomalès et produit depuis 10 ans le célèbre Point Reyes Blue Cheese (à faire pâlir l’auvergnat que je suis). Bob a toujours fait du compost à partir des déjections de ses animaux.

Après 20 ans chez Shaw, comme beaucoup, un jour Terry s’est demandé s’il ne pouvait pas aller plus loin dans la convergence de ses convictions et de sa vie professionnelle. Et l’idée de travailler en famille pour passer plus de temps avec les siens dans un environnement idyllique ne fut pas pour rien dans sa décision de sauter le pas. C’est ainsi qu’est né Point Reyes Compost Co, une « industrialisation » du processus de compostage réalisé jusqu’alors à la bonne franquette par beau-papa. Alors comment ça marche, cette machine qui transforme le caca des meuhmeuh en or en barre ?

Le fumier est évacué chaque jour des étables et passe dans un séparateur : d’un côté les effluents liquides vont être stockés dans un
bassin couvert et étanche et d’un autre les éléments solides, base du futur compost, sont déchiquetés ; dés ce stade cette matière n’a déjà pratiquement plus de mauvaise odeur. Le méthane, produit par la cuve des effluents, est récupéré dans une unité de méthanisation installée il y a deux ans et permet à l’exploitation (ferme et laiterie) d’être autonome en énergie.
tas de fumierLa matière solide est alors étalée en andains qui sont retournés régulièrement, ce qui active la décomposition par les bactéries et provoque des montées en température qui vont jusqu’à 75°C.
Ces andains, non couverts, ne sont jamais arrosés ; ils bénéficient de l’humidification régulière et gratuite du célèbre Fog du Marin County. Après 5 à 6 semaines) le compost est « mûr » et va être utilisé en partie sur site, non seulement pour amender les pâturages mais aussi comme litière (en le mélangeant avec des coquilles d’amandes broyées). Le cheptel ayant quadruplé depuis que la ferme produit du fromage, le solde de compost est désormais vendu dans la région en vrac ou conditionné sur place en sac.

Teddy et Bob peuvent être fier du fonctionnement de leur ferme selon le principe du Closed The Loop où chaque déchet devient une ressource interne : le fumier va devenir énergie et compost puis litière et amendement quand le petit lait du fromage va nourrir les veaux…
Le fondateur de Point Reyes Compost Co a le sens de la formule... « Purveyors of premium poop » que l'on peut traduire par fournisseur de caca de qualité supérieure. Il propose deux sortes de compost : Bob’s Best (à base de fumier de vache, un hommage à son beau-père) et le Double Doody (à base d’un mélange de fumier de vache et de cheval) mais aussi du BRF (Bois Raméal Fragmenté) issu des élagages et coupes d’arbre de la Région (et du bois il y en a, le parc de Muir Woods en est un symbole grandiose).
A la rentrée Teddy va élargir sa gamme avec un compost issu des déjections de lapins et de canards et réfléchit à commercialiser son purin en petite bouteilles...