Mâchefers : le débouché doit être assuré pour que vaille le «coût» de recycler

Le débouché, quelle que soit la production, est essentiel pour assurer aux entreprises une pérennité, le recyclage n'échappant pas à cette règle de base, d'autant que dans le cas des matières recyclées, on prône volontiers le principe de proximité pour ce qui est de leurs exutoires... Dans le cas du mâchefer résultant de l'incinération des déchets produits sur un territoire, il serait logique que le matériau, une fois valorisé et prêt au réemploi, soit utilisé sur le territoire où les déchets ont été générés... Si certaines collectivités jouent le jeu, d'autres renâclent, au grand damne des recycleurs qui ont ajouté cette activité à leur activité principale. C'est notamment le cas de Ypréma qui rencontre parfois quelques difficultés à écouler ces mâchefers qu'elle valorise dans les règles de l'art...
Alors que l'objectif politique officiel est de passer peu à peu de l'économie linéaire à l'économie circulaire, et ce à l'échelle européenne (on a même fixé un taux de 50% de recyclage des déchets en 2020), certaines collectivités se font timides dès lors qu'il s'agit d'utiliser des mâchefers recyclés en matériaux utilisables dans les travaux publics, quand bien même ceux-ci résultent de l'incinération des déchets ménagers produit sur leur territoire... quand bien même la valorisation énergétique constitue un mode de traitement qui a été choisi, quand bien même on sait recycler les mâchefers pour en faire des matériaux inertes, quand bien même l'enfouissement des mâchefers coûterait trois fois plus cher aux collectivités (avec un impact pour les contribuables) que d'en assurer le recyclage (selon Ypréma, spécialisée depuis plus de 20 ans dans cette activité dont elle n'hésite pas à promouvoir les avantages, recycler les mâchefers, c'est « un potentiel de plus de 100millions d’ euros d’économies à l’échelle nationale » : on est loin de la bagatelle, surtout en période de disettes budgétaires).

Avec bon sens et pour se conformer à l'objectif (économie circulaire), les Pays Bas ont d'ailleurs voté une loi, en 2013, afin de réglementer l’utilisation des graves de mâchefers dans la fabrication du béton. Ces graves peuvent être utilisées en talus et en sous-couche routière, en merlon anti-bruit, en matériau de fondation de route, étant entendu que les mâchefers sont désormais interdits de décharge, afin d'encourager le recyclage. L'uniformité, bien encadrée, est donc de mise.
En France, alors que la grave de mâchefers est reconnue comme étant un produit fiable de technique routière et un matériau parfaitement adapté aux utilisations en remblai, en couche de forme et fondation, l'arrêté ministériel du 18 novembre 2011 scelle le sort du mâchefer : en le déclassant de produit en déchet, malgré d’excellentes caractéristiques techniques éprouvées depuis plus de 20 ans (les producteurs français de mâchefers,précisent néanmoins qu'il est indispensable de respecter des règles spécifiques lors de son emploi), on a organisé (sans le vouloir?) un effondrement du marché, ce qui n'est pas sans inquiéter les professionnels du recyclage de ces déchets.


Si Reims Métropole joue le jeu depuis longtemps (et continue sur cette voie), considérant que l'utilisation du mâchefer recyclé sur son territoire est une opération gagnante, dans les Pyrénées Orientales, l'usine de Calce, Cydel, qui recycle ces résidus est confrontée à un débat qui a donné lieu à une procédure judiciaire, tandis qu'en Ile de France, des syndicats tels que le Sietrem ont bel et bien mis le frein sur l'utilisation de ce matériau recyclé alors qu'auparavant, 55% des quantités étaient réutilisées sur le territoire... Il semble bien réel qu'il n'y ait plus uniformatité



Que faire des tonnages ? Où écouler le solde ? Telles sont les questions posées par le recycleur, étant entendu que l'association Amorce n'avait pas manqué de relever dès 2012, dans l'une de ses études, que l'enjeu économique était d'importance pour les collectivités, précisant même que du fait du cumul du prix moyen de l'enfouissement, du transport et de la TGAP, « le coût d'élimination des mâchefers d'incinération de déchets non dangereux en ISDND revient en moyenne à plus de 90 euros la tonne »...
