
Cyclope 2011 vient de paraître. Agé de 25 ans, cet ouvrage de référence piloté par Philippe Chalmin, professeur d'histoire économique à Paris Dauphine, fait l’inventaire chaque année du marché des matières premières... Toujours dopés par la Chine, les prix de celles-ci ont poursuivi leur envolée en 2010, une ascension parfois irrationnelle qui pourrait laisser présager une correction en 2011. C’est du moins, ce qu’escomptent les experts du rapport Cyclope, présenté ce 17 mai à Paris...


La chute vertigineuse des prix au cours du second semestre 2008 (et ses effets dévastateurs sur bien des marchés) est complètement effacée aujourd’hui. Le record est battu : en avril 2011, les prix mondiaux des matières premières ont dépassé leur pic de juillet 2008. La reprise mondiale est passée par là, faisant largement oublier la crise de 2008...
En 25 ans, on est passé du stable à l’instable pour ce qui touche aux marchés mondiaux des matières premières...
L’Opep vient de perdre le contrôle du marché du pétrole, les agriculteurs sont devenus spéculateurs, et regardent le prix des matières d’une autre manière... « Il n’y a jamais eu autant d’instabilité ; tout est facteur de marchés, tout bouge, tandis que les produits dérivés explosent...
Jamais les prix n'ont été aussi élevés : l’indice global des prix a augmenté de 30 % sur un an. Derrière la moyenne se cachent pourtant des évolutions contrastées allant de seulement 1% pour le soja à 100% pour les ferrailles. Mais rares sont les produits dont les prix ont reculé comme celui du riz à -10%. On assiste à un véritable choc, le plus important depuis les années 70 », avertit Philippe Chalmin.
Cette « malédiction des matières premières » est, estime-t-il, à l'origine des révolutions qui touchent le monde arabe depuis le début de cette année.

Les métaux ne sont donc pas épargnés par cette euphorie, au premier rang desquels figure le métal rouge, toujours à la faveur d’un rebond de l’économie mondiale, et de l’appétit chinois qui ne connaît pas de limite. Le cuivre, que la Chine consomme à grande échelle, vient pour sa part d'atteindre un record à 10 000 dollars la tonne (+ 46%).
Un métal dont les cours ont tendance, toutefois, à être très volatiles. En mai 2010, il se hissait à 8000 dollars la tonne pour redescendre un mois plus tard de près de 2000 dollars et finir l’année dernière à 9960 dollars la tonne.
Métaux non ferreux toujours, c'est l'aluminium qui devrait connaitre la plus forte progression cette année, au-delà de 20%. Plus que jamais les métaux précieux joueront le rôle de valeurs refuges « à la limite de l'irrationnel ». L'argent devrait encore bondir de 25% et l'or pourrait progresser de 15%. « Mais monter beaucoup plus haut surtout si l'on parle à nouveau de retour à l'étalon or ».
On saluera au passage, le remarquable travail de précision de George Pichon qui fait l’inventaire, sur quelque 23 pages, des marchés des petits métaux (ou métaux rares)… De l’Antimoine au Zirconium, il passe en revue chacun des marchés des 24 métaux concernés : un véritable travail d’orphèvre…



Le cours du café a lui aussi explosé : + 27%. Les principaux pays producteurs latino-américains comme le Brésil, la Colombie ou le Mexique ont connu de mauvaises conditions météorologiques qui ont fait craindre une baisse des récoltes. « Si le café est très très cher, les cours sont équitables pour les producteurs », indique le spécialiste....
Que va t-il se passer en Russie ?

Mais... il n’y a «pas de risque de pénurie», rassure François Luguenot, analyste chez InVivo.
Dommage en tout état de cause qu’on ne puisse s’étendre dans nos colonnes, sur le chapitre de la viande : comme chaque année, on a pu se délecter des propos de Jean-Paul Simié, spécialiste passionnant de ce sujet...
« Gardons à l’esprit que lorsque les prix flambent, les peuples sont malheureux... Nous sommes sur le fil du rasoir en cette fin de campagne 2010-2011», constate Philippe Chalmin.

« Si le monde peut se passer du gaz de schiste français, il est à craindre que les Français doivent payer leur énergie un peu plus cher », souligne encore Philippe Chalmin : « on ne veut pas du nucléaire, on ne veut pas du gaz de schiste, on veut de l’éolienne pour faire de la gentille énergie »... Avec ça...

L'encadrement de certains marchés laisse encore à désirer.
La régulation des prix des matières premières et leur volatilité sont d'ailleurs, avec la réforme du système monétaire international, l'un des principaux chantiers de la présidence française du G20.

Bref. C'est dommage… Surtout à l’heure où une réglementation européenne s’instaure, mettant en avant le recyclage comme partie intégrante de l’économie, considérant les matières recyclées comme étant des matières premières à part entière, même si d’aucuns les appellent encore « matières secondaires », tandis que d’autres ont déjà franchi le pas en les dénommant « nouvelles matières premières »…

