Papier : la dématérialisation ne sauve pas les arbres mais transfère des coûts

Le 12/07/2019 à 9:32  

Papier : la dématérialisation ne sauve pas les arbres ; elle transfère des coûts

Papiers Les arguments faussement écologiques tels que « Zéro papier pour l’environnement ! » et « Sauvez les arbres, choisissez la facture électronique ! » ont la peau dure. Cela dit, le consommateur n'est pas dupe : il a bien compris qu'il lui revient la charge de disposer d'équipements électroniques dont certains se transforment en DEEE rapidement... obsolescence programmée oblige. Etant entendu que ces messages trompeurs, loin de donner une image exacte du papier, alors qu'il est un produit renouvelable et recyclable, ne posent jamais la question de savoir quelle dose d'énergie est consommée pour alimenter l'univers numérique, la production d'énergie dépendant de l'extraction de matières bien réelles, et encore moins celle des quantités de matières premières extraites dont certaines sont rares et coûteuses pour produire ordi et autres imprimantes... Quand la dématérialisation est consommatrice d'autant de matières, il y a de quoi s'interroger. Surtout si l'on a en mémoire que l'industrie forestière et l'industrie papetière dépendent de forêts durables ; elles sont aussi, les principaux gardiens de cette ressource précieuse et croissante... Quant aux capacités de recyclage existantes, et performantes, elles ne sont plus à démontrer...

 De nombreuses entreprises, notamment les organismes financiers et d’assurance, les opérateurs téléphoniques ou les services publics, poussent à la roue en faisant la promotion des moyens de communication électroniques en utilisant largement des arguments soit disant écologiques, et tout autant  infondés, concernant le papier. Au lieu de présenter ces changements pour ce qu’ils sont, à savoir une opportunité de réduction de coûts aux dépens de leur relation avec leurs clients et usagers, des allégations sont mises en avant, parmi lesquelles « Zéro papier pour l’environnement ! » et « Sauvez les arbres, choisissez la facture électronique ! » sont des exemples emblématiques.

Au cours du premier semestre 2019, Two Sides, qui lutte contre ces arguments écologiques trompeurs utilisés par de trop nombreuses entreprises, a effectué des recherches sur les sites Web et les communications de 102 organisations et entreprises à travers le monde. Parmi elles, 69 avaient recours à des allégations sur l'impact du papier et de l’imprimé sur l'environnement ; à ce jour, 38 de ces organisations ont retiré ou modifié leur message après avoir été interpellées par l'association.
Le combat pour rétablir quelques vérités à cet égard, ne date pas d'hier ; c'est ainsi que depuis puis 2010, la structure a réussi à faire changer les messages allant dans ce sens, faussement écologiques, trompeurs ou non documentés, de 441 entreprises.
Parmi celles-ci, les secteurs les plus concernés s'acèrent être les opérateurs de télécommunication, les banques et assurances, les services publics locaux, et les administrations. « Nous sommes très heureux que nos démarches aient porté leurs fruits auprès de certaines des entreprises et marques les plus connues, soutient Martyn Eustace, président de Two Sides. Mais ces allégations sans cesse renouvelées nécessitent une attention constante. Alerter les entreprises sur les allégations infondées est aussi important pour elles et la réputation de leurs marques car les consommateurs n’acceptent plus le greenwashing » (...)  « Nos recherches établissent que ces messages ont évidemment un impact sur la perception que les consommateurs ont du papier. Ce préjudice porté à la filière dans son ensemble nécessite de réagir, pour aider le consommateur à faire des choix en connaissance de cause »....

 A y regarder de plus près, on s'aperçoit par ailleurs que le passage au numérique n'est pas toujours souhaité, mais imposé. Les consommateurs sont en effet très attachés à leur droit à pouvoir choisir la manière dont ils reçoivent leurs communications de la part de leurs banques, opérateurs téléphoniques et services publics, ce que démontre une enquête internationale auprès de 10 000 consommateurs réalisée par Two Sides au printemps 2019 qui a mis en avant plusieurs constats :
 Plus de la moitié (53 %) des répondants pensent que les arguments environnementaux encourageant à passer au numérique dissimulent en réalité un objectif de réduction de coûts pour l’émetteur.
 57 % considèrent que l’encouragement à la dématérialisation par les services publics, les banques et d'autres organisations est trompeur, car ils doivent régulièrement imprimer des documents à la maison s'ils veulent en conserver une copie.
 81 % estiment qu'ils ont le droit de choisir la façon dont ils reçoivent leurs communications (imprimées ou électroniques) des organismes financiers et des fournisseurs de services.
 38 % des consommateurs envisageraient de changer de fournisseur de services s'ils étaient forcés de passer à une communication numérique.

 Tourner le dos au papier en présentant ou presque le numérique comme une panacée, c'est oublier volontairement que 90% du bois utilisé par l'industrie papetière européenne provient d’Europe et qu'entre 2005 et 2015, la superficie de ces forêts a augmenté d’une superficie équivalente à la taille de la Suisse.
Mais ce n'est pas tout : le taux européen de recyclage du papier est de l'ordre de 72 %, ce qui constitue une belle performance au regard de celle affichée par d'autres matériaux.
Le CO2 par tonne de papier a été réduit de 43 % depuis 1990. Que dire de l'industrie des technologies de l’information et de la communication? Elle représente environ 2 % des émissions mondiales, ce qui est comparable aux émissions du secteur mondial de l'aviation. Sauf que ce pourcentage devrait atteindre 14 % d'ici 2040. Enorme!!! 
Près de 10 millions de tonnes de DEEE sont générés chaque année à partir des téléphones mobiles, ordinateurs portables et autres tablettes. A cela s'ajoute que chaque année, le « Cloud Computing » consomme deux fois plus d'électricité que l'ensemble d'un pays comme le Royaume-Uni... Il y a de quoi réfléchir, et regarder certaines réalités en face. Ou par le bon bout de la lorgnette!