Priez-pour nous pauvres déchets...

Le 20/09/2007 à 18:30  

Priez-pour nous pauvres déchets...
Prière Depuis la nuit des temps le déchet est ce qu'il reste aux plus démunis alors que les riches satisfont leurs besoins et envies avec la matière vierge ou le produit neuf. Or, à l'heure de la mondialisation, le problème de l'harmonisation du développement économique et du partage des richesses a pris une ampleur inégalée et ceci dans un laps de temps très court (quelques dizaines d'années). Du coup, même si les pays riches ont les moyens de traiter leurs déchets, ils laissent encore trop souvent exporter leur pollution toxique vers les pays les plus pauvres. D'où l'apparition d'une véritable dimension morale et religieuse en relation avec la gestion des déchets. C'est ainsi que l'agence Fides du Vatican vient de se pencher sur le problème du recyclage des déchets des sociétés industrialisés dans les pays pauvres...

Compression de César On le sait, le meilleur de la création des arts plastiques de ces dernières années a souvent été réalisé à partir de déchets. En France, cela a été le cas avec les œuvres de nombreux artistes appartenant au mouvement du Nouveau Réalisme ( César, Arman, Spoerri etc...) . Ils ont ainsi signifié qu'il fallait voir et envisager nos vies avec d'autres yeux. L'art, la beauté est partout, même dans la poubelle.

Mais, en même temps, le pire est aussi apparu avec l'accroissement considérable des quantités de déchets à traiter. En effet, les pays développés se sont efforcés de s'équiper et de mettre en place des solutions pérennes pour les traiter. Mais, force est de constater, que cela n'est suffisant. Non seulement la quantité de déchets à traiter n'a cessé d'augmenter, mais en plus, on n'a pas réussi à éviter le développement de l'exportation de la pollution toxique vers les pays les plus pauvres et les plus démunis.
La faute à qui ?
Site polué de SumgayitIl n'est pas question ici de chercher des coupables ou de critiquer les uns ou les autres, mais de contribuer à la prise de conscience de ceux qui produisent le déchet, le traitent. Oui, les atteintes à la santé des hommes à cause de leurs pratiques n'a fait que croître et par voie de conséquence leur responsabilité morale est de plus en plus engagée. D'ailleurs, c'est bien le sens du durcissement de la législation européenne en matière de qualification de délit pénal à l'égard du transfert illicite de déchets dangereux. Mais, la réglementation n'est pas tout, et n'est pas toujours suffisante pour régler un problème. Les aspects psychologiques et la perception morale sont des éléments tout aussi importants. Ils peuvent influencer et amener à modifier les comportements des acteurs. C'est dans ce sens qu'il faut prêter une attention toute particulière à l'intérêt, mais aussi à la perception de l'Eglise à l'égard de la gestion des déchets.

Lorsque l'agence Fides du Vatican se penche sur le problème du recyclage des déchets industriels dans les pays pauvres, elle le resitue dans le contexte de la mondialisation, du développement économique, et des rapports entre les hommes.Elle rappelle que l'Eglise a toujours dénoncé " l'injustice qu'un nombre limité de pays qui appartiennent à l'Occident industrialisé réalise à l'égard de l'utilisation des ressources humaines " et que nous ne devons jamais accepter de séparer l'économique de l'humain. En ce qui concerne la destruction de l'environnement au sein des pays pauvres provoquée par l'envoi des déchets toxiques depuis les pays riches , elle l'attribue à un manque de prise de conscience et à une complicité " évidente, directe, précise, des classes dirigeantes, politiques et économiques des sociétés industrialisées".

Bien sûr cette attaque de notre environnement touche les zones les moins peuplées ( mer, montagne etc...). A titre d'exemple, la dernière étude du Medpol ( Programme des Nations Unies) fait état d'une pollution annuelle de millions de tonnes déversée chaque année dans la mer Méditerrannée : 85 000 tonnes de métaux pesants, 900 000 tonnes de phosphore, 200 000 tonnes d’azote, 47 tonnes de polycycliques aromatiques. Les reponsables de ce déversement sont en priorité les raffineries de pétrole, l'industrie métallurgique, les élevages industriels, l'industrie chimique, des fertilisants et celles du papier. Mais, on n'a jamais vu les poissons porter plainte et comme le problème concerne de nombreux pays, la responsabilité est dilluée. Par contre, les conséquences sont à court terme bien plus graves lorsque les déchets toxiques arrivent sur des terres peuplées où il n'y a pas d'installations capables de les traiter. C'est l'homme qui empoisonne l'homme. De quoi à réfléchir sur nos sociétés, nos modes de vie et à s'interroger sur la notion de progrès. Une seule certitude, on est loin d'avoir fini de dépolluer !

Quand Monseigneur Crepaldi se confie...

Monseigneur Giampaolo Crepaldi, Secrétaire du Conseil Pontifical Justice et Paix.

D.: "Monseigneur, le Conseil Pontifical Justice et Paix s’est occupé du sujet du recyclage des déchets des sociétés industrialisées dans les pays pauvres du monde et plus généralement du problème de l’élimination des déchets que le nord du monde réalise à l’égard du sud du monde ?

R.: "Ce thème n’a pas été l’objet d’une intervention spécifique du Conseil Justice et Paix. Je peux donc seulement vous donner des éléments d’évaluation qui n’engage que moi. Il n’y a pas de doute que les sociétés développées réussissent à faire face à la question des déchets, parce qu’elles ont des systèmes technologiques appropriés. Et là où il y a plus de développement, une bonne administration, un bon gouvernement et du civisme, le problème – grâce justement aux instruments de la technologie – est affronté et résolu. Dans les pays en voie de développement, au contraire, où manque la technologie, le problème de l’élimination des déchets est un problème sérieux, qui limite et bloque l’aspiration même au développement".

D.: "Beaucoup considèrent que la dénommée "ingénierie financière" du monde riche et industrialisé a un rôle de premier plan par rapport à l’exportation illicite des déchets des sociétés industrialisées dans les pays en voie de développement. Dans les chroniques également judiciaires des dernières années, il semble certain que les réseaux criminels qui trafiquent les déchets sont en grande partie les mêmes qui opèrent dans le domaine du trafic d’armes, de la drogue et de la corruption politique et économique. Que pensez-vous de la dimension de ce problème ?".

R.: "Il est évident que quand j’affirme que pour faire face à ce problème des sociétés industrialisées, un bon gouvernement, une bonne administration et un bon civisme sont nécessaires quand on n’a pas cela, on peut insérer l’organisation criminelle dans la gestion de cette problématique, qui peut également suivre les canaux du commerce illicite des armes. Gardons présent à l’esprit qu’il n’y a rien de plus impondérable que le monde de la production et du commerce des armes. Mais vous devez aussi souligner qu’également relativement à ce problème, qui est un problème global – ainsi que sur d’autres aspects des problématiques environnementales et globales – il est nécessaire d’évaluer le type d’organisation que l’on veut donner. La globalisation fait ressortir les limites du développement, celles de la manipulation de la création, les limites du marché et de la politique, celles de la technique laissée à elle-même. Dans la zone globale tous les agents sont limités, également ceux qui dans un environnement particulier vantaient une certaine sorte d’absoluité. La preuve en est le besoin de l’intégration et de la collaboration à tous les niveaux, vu qu’aucun acteur ne se suffit plus à lui-même. Quand ils ne sont pas absolutisés à leur tour et qu’aucun espace n’en est retiré pour des nouvelles idéologies minimalistes, paupéristes ou locales ou pour des retours ingénus à un passé idéalisé, ces limites peuvent vraiment faire ressortir le caractère central du problème éthique qui est justement le problème de la limite de nos actions et le problème de la responsabilité pour le gouvernement de la mondialisation ". source : Fides

source : Fides

Pour en savoir plus : Dossier de l'agence Fides