Recyclage et déréglement climatique...

Le 04/12/2018 à 8:47  

Recyclage et déréglement climatique...

Audrey Pulvar et Jean-Philippe Carpentier L'air, l'eau, l'environnement, sont des biens communs, il faut en être conscient ; une régulation s'impose, alors qu'elle est quasi inexistante à ce jour. "Recyclage & leviers économiques pour lutter contre le dérèglement climatique » : vaste question à laquelle Audrey Pulvar, élue le 28 juin 2017 après la démission de Nicolas Hulot à la présidence de la Fondation de la Nature et l'Homme, et Jean-Philippe Carpentier, président de Federec ont tenté de répondre, dans le cadre d'un débat animé par Nathalie Croisé lors de la dernière nocturne organisée par la Fédération des Entreprises du Recyclage, ce 13 novembre.

 « On espère beaucoup de la prochaine loi de Finances ; la trajectoire qui se dessine en matière de hausse de la TGAP est la bonne, même s'il faudra attendre 2021 pour qu'elle se concrétise... Cela dit, cette taxe n'est pas affectée, et ne revient pas à l'économie circulaire, ce que l'on peut juger regrettable »... expose en substance le président des recycleurs.

Le mouvement de blocage (qui sera) initié le 17 novembre est une sorte d'électrochoc et pose notamment le problème de la redistribution des taxes, d'une manière générale : de fait, la redistribution des montants collectés est au centre des revendications tant il est difficile à admettre pour les ménages comme pour les entreprises d'être ponctionnés sans que rien de tangible ne soit véritablement créé localement, et donc visible.
« La hausse de la fiscalité environnementale est une nécessité pour accélérer la transition écologique et pour ma part, je considère que la trajectoire choisie par le Gouvernement est la bonne. Le problème n’est pas l’augmentation de ces taxes, mais leur utilisation. De nombreux gros pollueurs bénéficient d'exonérations ; aussi, mettre en place une fiscalité écologique doit a minima se faire avec pédagogie et doit passer par des aides en faveur des ménages pour organiser la conversion écologique : il faut expliquer à quoi sert cet argent qu’on leur prélève au lieu de laisser s’installer l’idée que 'c’est comme ça et pas autrement'. Nous ne sommes pas tous égaux devant la taxe carbone puisqu'elle touche avant tout les ménages y compris les plus modestes, ceux qui habitent loin de leur lieu de travail et qui n’ont pas d’autre solution que de prendre leur voiture, faute de transports alternatifs » (nombreuses sont les petites lignes de train qui ont été supprimées, ou qui ne sont desservies que par quelques trains seulement). En revanche, cette taxe ne touche pas les secteurs aériens ou routiers », expose la présidente Fondation de la Nature et l'Homme. 

Il faudrait que le supplément de fiscalité environnementale attendu en 2019 , soit environ 3 milliards d’euros, soit affecté à des mesures d’accompagnement dans la transition écologique des classes moyennes et modestes, des artisans, TPE et PME...
Des propositions « ont été faites par la Fondation en faveur d'une redistribution partielle au profit des ménages, des TPE, du développement alternatif à la voiture... du Bio, dont on dit d'ailleurs qu'il est cher : sauf que ce n'est pas exact si en même temps, on évite le gaspillage monstre que l'on constate à tous les niveaux de la chaine, de la production de masse à la grande distribution, sans oublier les ménages eux-mêmes... A la clé des émissions carbone... Il y a beaucoup à faire pour changer nos habitudes », note Audrey Pulvar.
« La mise en place de la taxe carbone est une nécessité ; sauf qu'il faut du courage politique pour aller au coup d'après ; payer une taxe pour économiser sur autre chose constitue in fine une économie globale, puisque la détérioration de notre environnement a un coût dès lors qu'il faut restaurer des situations parfois douloureuses », complète Jean-Philippe Carpentier, des propos que ne contredit pas son interlocutrice qui insiste sur « la nécessité de valoriser les territoires, de cesser de les abîmer, de remettre au centre, les collectivités locales, les petites villes, afin de cesser d'en faire des sortes de hameaux au milieu de nulle part »... 
Le territoire est « une notion à laquelle Federec est très attachée et pour cause : parmi nos adhérents,on compte 1095 PME et 5 grands groupes ; toutes ces entités opèrent partout en France, ce qui favorise un maillage territorial efficace au service du recyclage industriel. Certains ont d'ailleurs choisi de produire du CSR, fabriqué à partir de déchets locaux, pour proposer un combustible utilisé localement, ce qui limite d'autant la dépendance au pétrole.... Il est dommage que les plans régionaux de gestion des déchets n'aient pas intégré le climat », regrette le président de Federec...

« Je suis convaincue qu'une autre croissance est possible », renchérit Audrey Pulvar : « elle nécessite davantage de sobriété. La croissance traditionnelle accroit les disparités, dans les pays riches ou non. Des solutions moins prédatrices existent. Un moindre gaspillage à grande échelle et davantage de recyclage ne peuvent qu'apporter un mieux être, une meilleure santé. Croissance et progrès ne sont pas des gros mots. La multiplication des problèmes climatiques fait des millions de dégâts : inondations, raréfaction des récoltes, nouveaux virus... et des mouvements migratoires massifs, alors que personne n'a envie de quitter son pays s'il n'y est pas obligé. Tout ces phénomènes ont des coûts et impactent en profondeur les territoires »...  « Une gestion des déchets passant par le recyclage est une excellente manière de limiter les pollutions ; un changement de modèle suppose de sortir de sa zone de confort et des habitudes»...

«  Pour ce qui nous concerne, nous travaillons depuis 4 ans à la mise en place d'un centre d'expertise du recyclage. Nous souhaitons travailler de concert, mais on ne peut pas tout faire tout seul. Par ailleurs, il est difficile de mettre tout le monde autour de la table pour déterminer comment limiter les matières non recyclables, pourquoi introduire davantage de matières recyclées sur le marché »... « Cela suppose une cohérence des politiques publiques », conclut le président de Federec.
Et tant que c'est Bercy qui décide... on n'est pas rendu : il est clairement anormal de prôner la mise en place d'une fiscalité écologique, dont la mise en œuvre devrait (r)apporter 3 milliards d'euros dès 2019, et que sur ce montant, il n'y ait que 200 à 300 millions d'euros qui soient concrètement consacrés à la transition écologique...

 

-De gauche à droite : Audrey Pulvar, Nathalie Croisé et le président de Federec, Jean-Philippe Carpentier-
 
Audrey Pulvar, Nathalie Croisé et Jean-Philippe Carpentier, président de Federec