Recyclage : quand la Chine « tousse »...

Le 09/08/2017 à 8:54  

Recyclage : quand la Chine « tousse »...

Chine et recyclage Il est des annonces qui font l'effet d'une bombinette impactant l'autre bout du monde... Ainsi, la Chine, lassée de réceptionner des qualités médiocres de déchets, voire des déchets dangereux mixés à ceux que le sont pas, a-t-elle décidé de faire du tri sélectif à sa manière : invoquant la nécessaire protection de l’environnement national et de la santé de ses ressortissants, elle a notifié par l'intermédiaire de son ministère de l'Environnement, le 18 juillet dernier, à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) sa volonté d’interdire l’entrée sur son territoire de 24 catégories de déchets solides dès le mois de septembre 2017. Ce sévère coup de frein aux importations risque fort de perturber le marché et d'impacter les cours des matières dans leur globalité...
 Quand la Chine s'éveillera, le monde tremblera, titrait Alain Peyrefitte en 1973. Force est de constater que la Chine nous a encore étonnés : plus semblable à elle-même de nous surprendre toujours, que de se conformer à l'image que nous nous en faisions. Elle nous interroge de nouveau, et sur elle, et sur nous (le comportement de certains exportateurs de déchets).

Premier importateur mondial de déchets, la Chine qui a mis en place son programme « National Sword » il y a quelques mois, entend devenir plus sélective afin de limiter la pollution de l'air et des sols. L'objectif de National Sword est de limiter (voire d’interdire) l’importation de certains déchets sur le territoire national, en limitant simultanément les licences d’importations des usines locales, et en fermant définitivement celles qui ne respectent pas les normes environnementales, les autorisations d’importation ou les conditions techniques exigées.
Lors d'une conférence de presse le 20 juillet dernier, le directeur de la coopération internationale au ministère de l'Environnement chinois, Guo Jing, a confirmé que ce programme vise également les transferts illégaux de déchets. « Motivés par l'appât du gain, certains contrevenants chinois et étrangers exportent illégalement ou font de la contrebande de déchets solides en Chine, et certains cachent les déchets au sein d'autres produits importés dans le pays. Ces déchets ont causé de nombreux problèmes. Nous devons lutter contre cela »...

Le message est clair. Sauf que ce coup de frein ne sera pas sans conséquence aux États-Unis, en Europe et en France : l'onde de choc suscitée par cette annonce est planétaire, cette drastique limitation des importations impactant brutalement un exutoire devenu habituel, avec à la clé un gonflement des stocks, ce qui ne pourra qu'avoir un effet sur les prix de ces matières, puisque la capacité des autres usines mondiales n’est pas en mesure de consommer ces volumes aujourd’hui importés par la Chine. Seraient concernés les papiers en mélange, les matières textiles (tels que laine et coton), certains laitiers et scories, les croûtes d’oxydes et autres déchets provenant de la fabrication du fer et de l'acier, et certains plastiques : quand on sait que chaque année, la Chine importait 9 millions de tonnes et que huit familles sont concernées, principalement issues des plastiques triés, en mélange, ou « à laver », à savoir les PE, films plastiques, styréniques, PVC, PET, PET Bouteilles, PC CD/DVD, autres déchets et rebuts plastiques, il y de quoi se faire du souci...

Dans ce contexte pavé d'incertitudes, l'inquiétude des professionnels est palpabe et on se mobilise à l'échelle intrernationale, comme au niveau national.
Du côté des Etats-Unis, premier exportateur mondial de déchets, la décision chinoise aurait un « impact dévastateur » si elle devait être effective, a indiqué Robin Wiener, président de l'ISRI (Institute of Scrap Recycling Industry, regroupant les acteurs américains du secteur), qui rappelle que la valeur des exportations de déchets de métaux, papiers et plastiques du pays a atteint 5,6 milliards de dollars l'an dernier.
Le ton n'est pas différent de l'autre côté de l'Atlantique : « La Chine représente pour l'Union européenne plus de 50% de ses exportations de déchets », a confirmé Damien Dussaux, chercheur au Grantham Research Institute on Climate Change de Londres, tandis que Arnaud Brunet, directeur général du Bureau International du Recyclage, a adressé un courrier officiel à l'Organisation mondiale du commerce par l'intermédiaire de la Commission européenne, mettant en avant « l'impact grave qu'une telle interdiction aurait sur l'industrie mondiale du recyclage ainsi que sur la production domestique chinoise s'appuyant sur des matériaux recyclés ». Le chef de file des recycleurs a par ailleurs demandé au Gouvernement chinois de reconsidérer ses politiques d'interdiction, tout en proposant de discuter « des moyens d'assurer des normes de qualité élevées sans nuire à l'industrie mondiale du recyclage et à l'économie chinoise »... la Chine étant le premier importateur mondial de déchets avec 49,6 millions de tonnes de déchets solides (en 2015), les matières premières recyclées lui permettant d'alimenter la croissance de sa production industrielle.

Sur le terrain, les professionnels du recyclage ont d'ores et déjà indiqué que la perspective de voir les débouchés désormais traditionnels disparaître, avec à la clé un risque évident d'engorgement des marchés, les oblige à prendre des mesures sévères sur les volumes, comme sur les qualités aujourd’hui collectés (surtri, lavage, valorisations alternatives) mais également à chercher urgemment des exutoires de substitution...
Ce bouleversement du marché aura sans conteste un impact dans la durée, ce qui va obliger tous les pays producteurs de ces matières à en repenser la fabrication, mais probablement aussi la gestion de leurs déchets, ce qui passera sans doute par l'implantation d’unités de lavage, une sensible amélioration du tri des matériaux, mais aussi une nouvelle définition des normes et standards de qualités, mais pas seulement, souligne Federec a demandé des précisions aux autorités chinoises et se mobilise en lançant différentes actions de sensibilisation et en alertant ses adhérents en collaboration avec Euric (Confédération Européenne du Recyclage) et le BIR (Bureau International du Recyclage).