REP déchets du Bâtiment : pour la filière, c'est niet !

Le 20/04/2018 à 16:02  
REP déchets du Bâtiment : pour la filière, c'est niet !
 Décidément, le rapport dit "Vernier" sur les filières REP (Responsabilité Elargie des Producteurs) [voir notre dépêche] n'est pas du goût de tout le monde : après la Confédération des Métiers de l’Environnement (CME) [voir notre article], c'est maintenant au tour de la filière Bâtiment de voir rouge. L’AIMCC, la CAPEB et la FNBM dénoncent notamment une vision superficielle des enjeux liés aux déchets du secteur et une déconnexion des réalités du terrain -rien que ça !- qui "conclut sans aucune justification chiffrée à la nécessité de créer une nouvelle REP". Ambiance...

 Depuis de nombreuses années, les filières s’organisent et s’engagent afin de proposer des solutions de valorisation des déchets et réutilisation des produits issus des chantiers de construction, de rénovation et de démolition (par exemple pour le plâtre - voir notre dépêche). "L’information des entrepreneurs sur les points de collecte existants pour chaque type de déchet est développée pour faciliter le dépôt des déchets dans des installations adéquates. Les distributeurs font des efforts considérables pour mettre en place le dispositif réglementaire de reprise. Considérer la mise en œuvre du décret 'distributeur' comme un échec après seulement 13 mois est incompréhensible. En effet, cette mesure demande des efforts financiers importants et ne portera ses fruits qu’en multipliant les points de collecte de déchets", indiquent les organisations.

 Selon ces dernières, il serait réducteur de n’aborder la problématique des déchets du bâtiment que sous l’angle des déchets diffus des artisans, en oubliant que l’essentiel des volumes des déchets du bâtiment provient directement de bennes sur chantier ou de déchèterie, ou directement des opérations de démolition. "Le véritable enjeu est de détourner ces flux en mélange de l’enfouissement pour qu’ils soient collectés séparément pour être recyclés de manière optimale", expliquent-elles.

 Et les associations du secteur de rappeler que de nombreuses filières se sont déjà organisées pour cela, avec des résultats dès à présent encourageants. S'il convient d’amplifier les efforts pour renforcer significativement le recyclage, le taux de valorisation des déchets du BTP atteindrait près de 68% en 2017 (boucle fermée et boucle ouverte) pour un objectif fixé à 70% en 2020. "On ne peut donc raisonnablement pas parler d’échec. Toutes ces initiatives démontrent que les acteurs de la filière ont pleinement conscience de leur responsabilité et l’exercent (15 des 24 flux de déchets identifiés dans le pilote du projet Démoclès [voir notre exposé] avaient déjà une filière de recyclage existante en 2012)".

 Les propositions au cœur du rapport Vernier, visant à mettre en place une éco-contribution pour les producteurs de matériaux afin de financer une filière de reprise gratuite des déchets des artisans, soulèvent une levée de boucliers. Tout d'abord, la faisabilité technique d’une REP Bâtiment n’aurait jamais été réellement étudiée, hormis lors du Grenelle Environnement, où elle avait été écartée du fait de sa complexité et de l’incertitude sur son efficacité. "Contrairement aux engagements de l’Etat, aucune étude d’impact n’a été menée avant de proposer cette nouvelle REP", s'énerve la filière.
 Autre problème soulevé : contrairement aux déchets de produits concernés aujourd’hui par une filière REP (emballage, D3E, mobilier...), les différents produits mis en œuvre dans la construction sont assemblés de manière diverse et parfois irréversible (enduit sur cloisons...). "Les modes constructifs et la qualité de la déconstruction permettront ou non de les séparer facilement en filières de valorisation, rendant complexe la détermination des responsabilités et contributions de chaque filière", soulignent les professionnels. Enfin, dernier "souci" pointé du doigt : les expériences précédentes de REP montrent que la mise en œuvre nécessite au moins 2 ans de travail pour être définie, "et vu la complexité des multiples filières concernées et leur interaction, probablement au moins 5 ans pour la totalité des déchets du bâtiment".
 Les 3 organisations professionnelles, représentatives du secteur de la construction, s’opposent donc totalement à la création immédiate d’une REP Bâtiment qui leur apparait, à ce stade, "complexe, longue à mettre en place, coûteuse et contre-productive". Elles demandent donc au Gouvernement d’ouvrir un dialogue avec les différents acteurs concernés afin d’identifier les actions à mener "pour aider les différentes filières à assumer pleinement leur responsabilité en développant volontairement des filières opérationnelles de recyclage de leurs produits et matériaux".