REP : pas question de crouler sous le poids des déchets du BTP

Le 30/01/2017 à 12:39  
REP : pas question de crouler sous le poids des déchets du BTP
Démolition/déchets BTP Craignant d'être débordées du fait d'une nouvelle obligation pour laquelle les professionnels semblent mal préparés, les collectivités locales rassemblées au sein d'Amorce serrent les rangs : 40 millions de tonnes de déchets (ce qui ne comprend pas ceux générés par les grands chantiers qui intègrent évidemment des solutions de collecte et de traitement) sont générés par les entreprises de plus petites tailles qui ont parfois du mal à trouver des exutoires autres que les déchetteries publiques... sans compter les déchets du bricolage, qui pèsent eux aussi de tout leur poids... Le 25 janvier, dans le cadre de son rendez-vous annuel dédié aux REP, l'association a fait part de ses inquiétudes quant à cet enjeu de poids...
 Dès lors qu'une REP est instaurée, elle est nécessairement établie sur le principe pollueur payeur ; les metteurs en marché sont alors responsables de la fin de vie de leurs produits. C'est le cas des déchets professionnels du BTP , pour lesquels la loi sur la transition énergétique et la croissance verte prévoit une reprise des déchets générés par les professionnels sur les lieux de vente des matériaux, les distributeurs de ceux-ci n'ayant pas été enthousiastes, et c'est le moins que l'on puisse en dire, puisqu'ils ont très rapidement introduit des recours, allant jusqu'au Conseil Constitutionnel, qui les a débouté de leur demande il y a quelques jours s'agissant d'une question la question prioritaire de constitutionnalité qui avait été soulevée.

Toujours est-il que la France accuse un déficit de déchetteries professionnelles (environ 200 sur le territoire pour 40 millions de tonnes de déchets du BTP produites et 220 millions de tonnes de déchets de voiries... ce qui est très très nettement insuffisant). Face à cela et pour faire face à la carence évidente, et limiter aussi les dépôts sauvages sur les territoires des collectivités, 75% environ des 4 600 déchetteries publiques sont ouvertes, sous conditions, à certains professionnels ; ça, c'était acté avant l'entrée en vigueur de la LTECV (été 2015), suivie notamment par un décret d'application du 10 mars 2016 (qui rend aussi obligatoire le tri à la source des déchets de bois, de verre, de plastique, de papiers et de métaux), qui confirme que « tout distributeur de matériaux, produits et équipements de construction à destination des professionnels qui exploite une unité de production, dont la surface est supérieure ou égale à 400 m² et dont le chiffre d'affaires annuel est supérieur ou égal à un million d'euros, organise la reprise des déchets issus des mêmes types de matériaux, produits et équipements de construction qu'il distribue »...

 Cette reprise est réalisée sur l'unité de vente ou dans un rayon maximal de 10 km (ce qui suppose dans ce cas un affichage clair, sur l'unité de vente et sur son site internet quand site internet il y a, afin d'informer les producteurs de déchets ou les détenteurs des ceux-ci, de l'adresse où se rendre pour se défaire de leurs déchets.
Ceci permettant évidemment de massifier les déchets, afin d'en faciliter le transfert sur des lieux de traitement et/ou de recyclage pratiqués par des entreprises spécialisées... cette nouvelle obligation étant à mettre immédiatement en relation avec l'objectif global de valoriser 70% des déchets du BTP en 2020.

 Dans la mesure où l'obligation nouvelle est entrée en vigueur depuis ce 1er janvier, et parce qu'il semble bien que les pro de la distribution ne soient pas vraiment prêts à les réceptionner (de fait, le dispositif est loin d'être opérationnel, peut-être faute du temps nécessaire pour organiser les lieux et la sécurité de tous), les collectivités craignent de recevoir de multiples demandes supplémentaires de la part des entreprises détentrices de ces déchets du BTP, afin de pouvoir utiliser les déchetteries publiques comme exutoire, faute de mieux (avec à la clé une saturation des infrastructures, au détriment du service mis à la disposition des ménages) qui au demeurant, ne sont pas toujours adaptées à la réception de ces tonnages)
De nombreuses déchetteries ne veulent pas des déchets du BTP, de la même manière que nombreuses sont les collectivités qui ne souhaitent pas nécessairement voir une déchetterie professionnelle s'ouvrir sur leur territoires en raison des nuisances qu'elles peuvent générer (bruit, poussières, noria de camions, etc), et ce, quand bien même des offres privées ont le mérite d'être adaptées aux besoins des professionnels et en termes d'accessibilité, et en termes d'équipements installés, de tri à la source simplifié, et bien évidemment d'horaires adéquats aux activités concernées).

 A cela s'ajoute, pour les collectivités qui acceptent ces déchets, qu'elles sont assujetties à des règles strictes encadrant ces activités de récupération : une déchetterie qui accueille des déchets non ménagers ne peut pas pour autant tout prendre que ce soit en quantité ou en qualité (les déchets amiantés -plaques ondulées ou des plaques en fibrociment ; les ardoises et bardages en fibrociment, - par exemple, posent un sérieux problème : peu de prestataires pour les traiter, un traitement coûtant fort cher, et des quantités qui peuvent être importantes dans le cadre de démolitions). Lorsqu'elles acceptent des déchets du BTP, il faut fixer les conditions d'accès, les modalités techniques de collecte, la nature des matériaux acceptés, mais aussi une fiscalité couvrant le coût du service de gestion des déchets pro. Bref : un petit casse-tête... Sauf que, casse-tête ou pas, les déchets sont là. ET ils pèsent de tout leur poids.
D'où la constitution d'un nouveau groupe de travail au sein du réseau d'élus et d'entreprises Amorce qui aura pour mission de se pencher sur cette épineuse question.

Nicolas Garnier, accompagné de plusieurs élus et vice-présidents de l'association (Lionel Mithieux, secrétaire général d'Amorce  en charge de l'économie circulaire, Président de Savoie Déchets, Corry Néau, Vice-présidente d'Amorce en charge de la communication, conseillère départementale de l'Oise, Vice-présidente du Syndicat mixte des déchets du département de l'Oise, Benoit Jourdain, Vice-président d'Amorce Déchets et REP, Conseiller municipal d'Epinal, Président du Syndicat Mixte de gestion des déchets des Vosges, et Patrice de Foucaud, Vice-président collecte et traitement des déchets, Président du Sivert Est Anjou) dans le cadre du point presse, a été clair : « Avec deux déchetteries professionnelles en moyenne par département, on est clairement dans l'insuffisance. Le problème n'est pas nouveau. Ces flux ne relevant pas de la compétence des collectivités, leur gestion ne doit pas reposer sur la fiscalité des ménages. Nous serons extrêmement vigilants et recommandons aux collectivités de ne pas ouvrir davantage leur réseau à ces déchets professionnels ».

Pour Amorce, il n’y a pas 36 solutions, mais 2 scenarii possibles :

le premier n’implique pas les collectivités : dans le cas où une collectivité dispose de ses déchetteries mais en ayant fermé leur accès aux professionnels, rien ne doit changer. Les détenteurs des déchets du BTP devront trouver un exutoire auprès d’opérateurs privés, la collectivité pourra accompagner les démarches visant à l’implantation d’une structure dédiée, en facilitant par exemple l’accès au foncier

le second implique les collectivités : dès lors que le réseau des déchetteries serait ouvert aux pro, et que la collectivité souhaiterait poursuivre en ce sens, afin de compléter l’offre privée existant sur son territoire, elle se devrait de toute manière de respecter le code général qui prévoir que cet accès doit se limiter aux déchets assimilés aux OM. Elle doit recourir aux marchés de collecte et traitement sous maitrise d’ouvrage publique et financer le service via la Taxe d’enlèvement des ordures ménagères et déchets assimilés ou la redevance spéciale (ce qui devra couvrir l’intégralité des coûts). Elle devra signer une convention (Amorce mettra à disposition de ses adhérents une convention type afin de les aider à mener ces nouvelles démarches) avec les distributeurs précisant la durée  ainsi que les modalités financières et techniques ; les distributeurs devant de leur côté lever une contribution amont afin de mettre en place un dispositif pour participer aux coûts de gestion du service public.
Dans ce même registre, dans le cas où une collectivité a pris pour habitude d’ouvrir son réseau de déchetteries aux professionnels et qu’elle souhaiterait peu à peu sortir de ce dispositif, elle peut décider de restreindre ces accès aux professionnels dans la durée de la convention signée qui précisera les modalités de la cessation progressive du service ; les distributeurs se devraient de toute manière, de lever une contribution financière de sorte à participer aux coûts de gestion des déchets dont ils ont désormais la charge, et auprès du service public et auprès des opérateurs privés avec lesquels ils seraient en contrat.