Stocamine: vers un nouveau revirement?

Le 13/02/2019 à 18:52  

Stocamine: vers un nouveau revirement?

© StocaMine Fin janvier, le ministre de la Transition écologique François de Rugy avait tranché : les déchets industriels toxiques enfouis dans les entrailles de Stocamine à Wittelsheim (Haut-Rhin) ne seront pas extraits. Ce qui avait eu le mérite de la clarté et de lever illico une belle levée de boucliers, y compris dans les rangs des élus, dont certains s'étaient déclarés outrés. Pas plus tard qu'hier, le même ministère annonçait son souhaite d'étudier la "faisabilité" d'un "déstockage partiel" des déchets industriels toxiques du site, ce revirement faisant suite à une rencontre avec des élus alsaciens opposés au maintien sous terre de ces déchets dangereux.

 Rappel des faits : ouvert en 1999 sur le site d'une ancienne mine de potasse, Stocamine devait initialement recueillir 320.000 tonnes de déchets industriels dangereux non radioactifs (de classe 1 et 0). Mais un incendie survenu en 2002 avait stoppé l'activité. Depuis, la polémique n'a jamais cessé quant au devenir des 44 000 tonnes de déchets déjà enfouis, ne serait ce que du fait de la présence potentielle de déchets non autorisés et des risques potentiels de pollution de la nappe phréatique, la plus grande d'Europe. Le déstockage des déchets était réclamé par les élus locaux et les associations environnementales, mais en mars 2017, l'Etat avait déjà opté pour la solution opposée, à savoir le confinement définitif d'environ 42 000 tonnes de déchets, étant entendu qu'environ 2 000 tonnes de déchets à base de mercure, considérés comme les plus toxiques, avaient été évacués. Un an après, en avril 2018, Nicolas Hulot, alors ministre de la Transition écologique, avait demandé une "étude sur la faisabilité d'un déstockage intégral des déchets", à l'exception du "bloc" où avait eu lieu en 2002 l'incendie qui avait stoppé l'activité du site.

Les résultats de cette étude, menée par le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) et dévoilés par la préfecture du Haut-Rhin lors d'une réunion consacrée au sujet, montrent que le déstockage des déchets est "techniquement faisable" mais demeure complexe et nécessiterait l'emploi des "techniques les plus pointues au niveau mondial". Il impliquerait aussi, "statistiquement", des risques d'accidents de personnels, avait précisé la présidente du BRGM, Michèle Rousseau, qui avait également indiqué que dans l'hypothèse d'un enfouissement, "la pollution de la nappe phréatique par les déchets (commencerait) à apparaître dans un délai de 600 à 1.000 ans". De ce fait, "la poursuite du déstockage présenterait (...) des risques qui apparaissent plus graves que la poursuite du confinement déjà prévu, sans être assurée d’être menée à bien", avait insisté la préfecture du Haut-Rhin, par voie de communiqué.

"Compte tenu des enjeux, de la balance des risques" et du "surcoût" lié au déstockage, "la solution la plus adaptée demeure la poursuite du (...) confinement des déchets restants, sans déstockage supplémentaire", avait officialisé le cabinet de François de Rugy dans un document officiel de ce 18 janvier, adressé dans la foulée, à ces deux députés alsaciens co-auteurs en 2018, d'un rapport parlementaire sur Stocamine, rapport qui préconisait l'évacuation de ces 44 000 tonnes de déchets dangereux non radioactifs, enfouis à plus de 500 mètres sous terre dans l'ancienne mine de potasse située non loin de Mulhouse. Le ministère justifiant son choix parce que jugeant que les mesures de sécurité autour de l'enfouissement des déchets "sont de nature à garantir un niveau élevé de protection de l'environnement".

Tollé immédiat sur le territoire concerné, la foudre provenant aussi bien des citoyens qui ne décolèrent pas, que des élus dont certains tels que Bruno Fuchs, député du Haut-Rhin LREM et coauteur du rapport, n'ont pas hésité à condamner cette décision "sans réserve", considérant par ailleurs, que cette orientation "va à l'encontre de l'esprit du Grand Débat national", ce qui constitue "une faute grave (...) qui n’aide pas (le Président Macron) dans sa volonté de restaurer la confiance avec les citoyens", avait-il même tweeté. Position du même type chez Raphaël Schellenberger (député LR du Haut-Rhin), l'un des coauteurs du rapport qui "désapprouve vivement cette décision brutale", suivi par Jean Rottner, président (LR) de la région Grand Est, qui a édité un communiqué soulignant un choix "incompréhensible et inacceptable" qui "va à l'encontre de toute logique environnementale"..., les élus martelant la nécessité d'opter pour le "principe de précaution", notamment en raison des risques de "pollution de la nappe phréatique d’Alsace".

Dans ce contexte on ne peut plus houleux, François de Rugy qui les a reçus ce 12 février, leur a confirmé, selon un communiqué du ministère, "que le chantier de confinement des déchets restants se poursuivrait", avec "les garanties les plus strictes en matière de protection de la nappe phréatique". Mais dans un "esprit d’apaisement et d’écoute des propositions des élus locaux et des inquiétudes des citoyens", le ministre a également annoncé "le lancement d'une étude technique et financière de la faisabilité de la poursuite d’un déstockage partiel, en parallèle de la poursuite du confinement, et étalé jusqu’à 2027". Cette étude devra rendre ses conclusions "d’ici un an au plus tard".
Le ministre a également promis une réunion d'information pour présenter l'expertise du BRGM qui a montré que "le déstockage des déchets restants présenterait aujourd’hui des risques plus importants et plus graves que la poursuite de leur confinement", poursuit le communiqué.
Bruno Fuchs a déclaré être "satisfait" des échanges avec le ministre : "c'est une porte qui s'ouvre, le ministre a écouté nos arguments (...) Il a fait un geste d'apaisement", a-t-il estimé. Pour le député, "il faut au moins extraire tous les produits solubles" du site.
"Ces échanges nourris ont permis l’ouverture d’une perspective (...) qu’il conviendra de préciser au cours des prochaines semaines mais qui traduit une évolution que je salue ce soir", s'est également félicité dans un communiqué, Raphaël Schellenberger.

Un avis que ne partage pourtant pas Josiane Kieffer, porte-parole du collectif Destocamine (composé d'associations et de syndicats d'anciens mineurs) qui s'est insurgée contre cette nouvelle position : "c'est ridicule, si on ne destocke qu'une partie, le risque continue d'exister" (...) "Ce n'est pas cette proposition qui va freiner la mobilisation", alors que 150 personnes environ, bloquaient hier, pendant quelques heures, l'accès au site pour protester contre le maintien annoncé des déchets.